Pour maximiser l’efficacité scientifique, il est essentiel de concilier les préoccupations académiques et industrielles. D'autant plus dans un contexte d'évolution du climati. Nous avons interviewé Robert Vautard, Directeur de recherche au CNRS et co-président du Groupe de travail 1 du GIEC et Hervé Cordier, Expert Senior Doctrine Agressions à EDF.

Rendre la science la plus efficace possible

« Pour la R&D d’un énergéticien comme celle de n’importe quelle grande entreprise, il y a un principe de base, c’est de fonder sa stratégie sur la science, écouter les scientifiques et permettre une perméabilité entre le monde scientifique académique et le monde scientifique de l’entreprise. », les mots de Robert Vautard, Directeur de recherche au CNRS, co-président du Groupe de travail 1 du GIEC.

Décarboner et limiter les risques à venir

Pour les énergéticiens et notamment pour EDF qui produit de l’électricité, il y a la question de la décarbonation mais aussi de la limitation des risques à venir. Réponse d’Hervé Cordier, Expert Senior Doctrine Agressions à EDF, sur les risques liés au changement climatique et les apports de la R&D sur ces questions.

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Pour vous permettre d'accéder à l'information, nous vous proposons de consulter la vidéo Journée Climat : s’adapter au changement climatique dans un nouvel onglet.

[À l’occasion de la Journée Climat, EDF met en lumière le rôle de la R&D dans l’évaluation et l’adaptation aux risques climatiques, en lien avec le GIEC. Un enjeu majeur pour garantir la résilience du parc nucléaire face aux impacts du changement climatique. Ce témoignage fait intervenir Robert Vautard (Co-président du Groupe de travail 1 du GIEC) et Hervé Cordier (Expert Senior Doctrine Agressions à EDF).]

Journée Climat : s’adapter au changement climatique

Robert Vautard : C’est en comprenant mieux d’une part les préoccupations académiques et aussi que nos chercheuses et chercheurs comprennent mieux les préoccupations industrielles qu’on va arriver à rendre la science la plus efficace possible.

Question : Quel est le rôle du co-président du GIEC ?

Robert Vautard : Le rôle d’un co-président du groupe 1 ou d’un autre groupe de travail, c’est d’organiser la synthèse des connaissances sur le changement climatique ou sur les solutions qui permettent d’améliorer la situation climatique.

Cela doit être fait de façon extrêmement inclusive, c’est-à-dire en prenant compte l’ensemble des points de vue des pays du monde et l’ensemble des informations aussi qui sont dans les articles scientifiques, mais qui sont aussi parfois dans des rapports techniques ou dans d’autres types de littérature qui sont également extrêmement importants.

Question : Qu’est-ce que vous attendez de la R&D d’un énergéticien, comme EDF ?

Robert Vautard : La R&D d’un énergéticien comme celle de n’importe quelle grande entreprise. Je crois qu’il y a un principe de base, c’est vraiment de fonder la stratégie sur la science, c’est-à-dire d’écouter les scientifiques d’une part, et aussi de permettre une forme de perméabilité entre le monde scientifique académique et le monde scientifique de l’entreprise.

Pour les énergéticiens bien sûr, et particulièrement pour EDF qui produit de l’électricité, il y a toute la question de la décarbonation d’une part, et aussi la question de la limitation des risques qui vont être à venir, notamment avec les fameux évènements extrêmes, mais pas seulement tels que la montée du niveau marin, et puis des questions qui vont être liées aussi à l’approvisionnement en eau des différentes centrales.

Question : Quels sont les risques liés au changement climatique ?

Hervé Cordier : Pour le nucléaire, il y a environ 35 risques globaux à prendre en compte. Sur ces 35 risques, dix sont concernés par le changement climatique. Soit le changement climatique augmente le risque, soit, et cela concerne 5 de ces risques-là, soit le changement climatique diminue ces risques, notamment pour la température froide. Et là, on a en 5 autres. Donc ceux qui sont concernés, ce sont ces dix-là et ceux sur lesquels véritablement il y a un travail d’adaptation permanente, puisque on a une augmentation du risque. Ce sont vraiment les 5 dont on va parler maintenant.

Ces cinq agressions, sont : premièrement, la température de l’air, deuxièmement : la canicule et comment on peut le vivre au quotidien, la température de l’eau, c'est-à-dire le fait que la mer se réchauffe ou que les rivières soient chaudes. Ensuite, il y a le risque d’étiage, c’est-à-dire un bas niveau d’eau, puis le risque au contraire d’un niveau d’eau de mer qui augmente avec le changement climatique. Et enfin, le dernier, ce sont les pluies, comme on a pu le voir récemment.

Question : Comment la R&D accompagne la Direction ingénierie et projets nouveau nucléaire sur l’adaptation au changement climatique ?

Hervé Cordier : Évaluer ces risques et l’évolution de ces risques avec le temps et en particulier avec le changement climatique, et bien, on a besoin de quantifier. C’est-à-dire de donner une valeur aux différentes intensités de ces risques. Admettons qu’aujourd’hui, j’ai une température de 35 degrés, dans 20, 30, 50 ou 100 ans, à combien sera cette température-là ?

La R&D vient nous permettre, grâce à son expertise, à ses outils et à ses contacts avec la communauté internationale, en particulier le GIEC, de fournir, grâce à des méthodes robustes et partagées par le réseau d’experts mondial, ces évolutions, en fonction des différents scénarios ou des différentes hypothèses.

Ensuite, côté ingénierie, on regarde ces différentes hypothèses et en fonction de l’augmentation de risques et de la période à laquelle on doit regarder : est-ce que c'est dans 30 ans ? Est-ce que c’est à la fin du siècle ? On va faire un choix parmi ces données fournies par la R&D.

Le deuxième apport de la R&D, c’est l’étape d’identification des risques qui augmentent, qui ne bougent pas ou qui diminuent. Le curseur peut varier en fonction du temps.

Je donne un exemple : il y a 20 ans, les pluies importantes n’étaient pas identifiées en France comme étant vraiment sensibles au changement climatique. On ne voyait pas de tendance. Et plus récemment, dans les dix dernières années qui viennent de s’écouler, la R&D, en suivant les évolutions, a vu des tendances et a développe maintenant des méthodes pour qu’on puisse déterminer un niveau d’évolution du risque dans le futur.

Quelle contribution du GIEC à la science du changement climatique et à l’élaboration des politiques climatiques ?

Le GIEC ne produit pas de recherche mais il produit des synthèses sur la recherche que font les scientifiques dans le monde, sur la base des publications scientifiques. Ces rapports sont basés sur la notion de consensus : consensus entre scientifiques mais aussi consensus entre scientifiques et gouvernements. Ces rapports font référence pour les négociations internationales.

L’inclusivité. C’est l’un des premiers mots que Robert Vautard, Directeur de recherche au CNRS, co-président du Groupe de travail 1 du GIEC a mentionné lors de son interview. « Prendre en compte le changement climatique doit être fait de façon extrêmement inclusive, en prenant en compte l’ensemble des points de vue des pays du monde. »

Des questions qui seront reprises dans le cycle 7 du GIEC

Comment interpréter les évolutions récentes du climat, le record d’élévation des températures globales, et le déséquilibre énergétique de la Terre qui continue d’augmenter ?

Pourquoi les événements extrêmes qui arrivent actuellement dépassent de loin les records précédents, mais aussi les feux, les pluies, les vagues de chaleur humide avec stress thermique, etc. ?

Pourquoi l’évolution des vagues de chaleur extrêmes en Europe de l’Ouest est plus rapide dans les observations que dans les simulations des modèles prédictifs alors que c’est le contraire sur l’Est des États-Unis pour lequel les modèles prédisent une évolution trop rapide par rapport à ce qui est observé.

Et quid des phénomènes locaux très violents, ou encore des phénomènes combinés, etc. ?


GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

Année de création : 1988

Objectif : fournir aux décideurs une évaluation commune et consensuelle de l’état des connaissances sur le changement climatique basée sur la littérature scientifique publiée