Un partenariat fondateur avec le CNRS
Plusieurs partenariats ont vu le jour pour pérenniser les collaborations que EDF entretient de longue date avec le plus grand vivier de chercheurs français, le CNRS. L’équipe commune Mélusine, par exemple, est née en 2018 dans le prolongement de travaux communs sur le génie des procédés, notamment de travaux autour de la biomasse ou du captage du CO2, qui a été le sujet de la thèse de Thibaut Neveux, jeune doctorant devenu par la suite ingénieur chercheur à la R&D d’EDF et pilote opérationnel du laboratoire.
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Pour vous permettre d'accéder à l'information, nous vous proposons de consulter la vidéo La R&D d’EDF partenaire du CNRS Mélusine, pour la maîtrise des procédés pour l’industrie électrique dans un nouvel onglet.
[Ce témoignage fait intervenir Thibaut Neveux, (ingénieur à la R&D d’EDF et pilote opérationnel de Mélusine) et de Eric Favre, (professeur des Universités à l’Université de Lorraine, chercheur au LRGP et directeur de Mélusine). Ils y expliquent comment le partenariat Mélusine, né de la collaboration entre la R&D d’EDF et le CNRS (Université de Lorraine), explore des technologies innovantes pour améliorer le traitement des eaux dans les centrales électriques.]
Notre pitch
Thibaut Neveux : Mélusine, c’est une équipe commune de recherche entre EDF et le laboratoire Réactions et Génie des Procédés de Nancy, parmi les nombreuses équipes communes que EDF a avec le CNRS.
Le partenariat est né en 2018 à la suite de nombreuses collaborations autour du génie des procédés et particulièrement de décarbonation.
Le premier sujet de l’équipe Mélusine, c’est le traitement des effluents. Il faut savoir qu’une centrale électrique nécessite de grandes quantité d’eau pour son refroidissement, qu’on restitue quasi intégralement à l’environnement.
On doit rajouter des produits chimiques pour protéger ces différents circuits. Ce sont ces produits qui vont se retrouver dans les effluents de la centrale et qu’il nous faut gérer par différents procédés.
Éric Favre : Il existe trois grandes familles de technologies pour le traitement des eaux. La dernière technologie, la dernière famille, c’est celle qui intéresse Mélusine, c’est la dernière née. Elle est pratiquée depuis une cinquantaine d’années, par exemple pour le dessalement de l’eau de mer et pour produire de l’eau potable à partir d’eau de mer. Cette nouvelle famille consiste à utiliser des matériaux qui vont assurer un effet de tamisage à l’échelle moléculaire.
L’enjeu de Mélusine, c’est de tester, de détourner, d’adapter ces technologies membranaires, qui ont fait leurs preuves dans d’autres secteurs industriels, aux spécificités du traitement des eaux, dans une centrale de production d’énergie.
Notre bilan
Thibaut Neveux : À ce jour, Mélusine a plusieurs succès à son actif et notamment on a construit quatre pilotes, c’est-à-dire des réalisations expérimentales à une échelle suffisamment grande pour pouvoir évaluer l’efficacité de nos innovations.
On constate qu’avec nos innovations, on peut avoir un gain sur l’efficacité énergétique, environ d’un facteur 10. Ce qui est tout à fait remarquable pour passer d’une technologie classique de distillation à une technologie plutôt membranaire.
On a aussi des gains en compacité, taille des systèmes, facilités opératoires et de coût. Donc, la prochaine étape pour nous, ça va être dès 2024, de tester ces pilotes-là en conditions réelles dans une centrale nucléaire. Ce sera le moment de vérité pour vérifier que ça fonctionne concrètement.
Eric Favre : Donc, la réussite de Mélusine, on peut la qualifier avec deux indicateurs : deux brevets internationaux déposés et trois thèses de doctorat. Mais au-delà de ces indicateurs, pour moi, le caractère exceptionnel de ce partenariat, c’est passe, en cinq ans, de tests à l’échelle laboratoire à des tests de technologies innovantes en milieu industriel.
Nos galères
Éric Favre : De mon point de vue, la plus grosse difficulté tient au fait que les technologies que nous étudions dans Mélusine n’existent pas au sein des centrales nucléaires actuelles, qui ont été conçues dans les années 70-80.
Pour pouvoir tester et qualifier ces technologies, on doit prendre en compte un environnement pour lequel elles n’avaient pas été conçues et donc, des adaptations dans un environnement contraint.
Nous espérons beaucoup des développements de ces technologies pour améliorer les solutions de traitements des eaux en centrales nucléaires. Ces nouvelles technologies vont donner des avantages dans les nouvelles générations de réacteur.
Thibaut Neveux : Il a fallut qu’on développe nous-mêmes des solutions en s’appuyant sur des choses qui ont déjà fonctionné dans d’autres secteurs industriels et en les adaptant. C’est ce qu’on appelle des innovations de transfert.
Nos solutions
Éric Favre : Le passage de l’échelle moléculaire à la taille de l’objectif visé, qui est l’usine de production d’électricité, est nécessairement multi-échelles puisqu’on va passer du nanomètre à des échelles de tailles de plusieurs milliers de mètres carrés.
Pour ce faire, il faut construire une méthodologie spécifique, dédiée, rigoureuse, qui est basée sur l’association de différentes compétences. C’est ça le défi multi-échelles que nous avons dû traiter dans Mélusine.
Thibaut Neveux : Il y a plusieurs étages dans la fusée Mélusine. On a démarré par des procédés relativement matures qui ont fait leurs preuves dans d’autres secteurs industriels où on espérait avoir une réussite à assez court terme. On a également lancé des actions plus exploratoires, plus incertaines, sur des innovations, notamment dans le cadre de thèses.
Nos partenariats
Thibaut Neveux : A la R&D d’EDF, on est en capacité d’identifier un certain nombre de verrous scientifiques en réponse à nos enjeux industriels, comprendre ces différents verrous, mais on n’est pas toujours en capacité de les lever tout seuls. Pour ça on s’appuie sur les laboratoires qui nous apportent énormément et notamment sa grande capacité expérimentale qui nous permet de tester différentes solutions de façon à sélectionner les innovations les plus pertinentes dans nos contextes.
Éric Favre : Au travers du partenariat Mélusine, notre partenaire industriel nous oblige à prendre en compte la complexité de l’environnement industriel. Nous sommes amenés de ce fait, de par les informations qui nous sont fournies dans ce partenariat, à tester et éprouver la pertinence des solutions technologiques que nous étudions au laboratoire, mais dans un environnement industriel.
Notre avenir
Thibaut Neveux : Mélusine, c’est une réussite puisqu’on vient tout juste de renouveler la convention de partenariat pour cinq nouvelles années à partir de 2023. A court terme, on va bien entendu continuer à tester nos innovations dans une centrale électrique, donc en environnement réel.
Éric Favre : La reconduction du partenariat Mélusine pour cinq ans va nous donner un véritable boulevard en termes de travaux de recherche. Au préalable, on s’attaquait aux problématiques de traitements des eaux, des technologies membranaires pour le traitement des eaux.
Maintenant on va combiner cette problématique aux technologies de captage du Co2. On va donc se retrouver au coeur du défi de la transition énergétique et de l’économie circulaire.
Sous l'impulsion du partenariat, le spectre d'activités de Mélusine s'élargit progressivement. À partir de 2018, l'équipe s'intéresse au traitement des effluents utilisés pour la production d'énergie. « Les effluents sont issus des liquides utilisés pour refroidir les centrales », précise Thibaut Neveux. « Les centrales électriques nécessitent de grandes quantités d'eau pour le refroidissement, ainsi que des produits chimiques pour garantir leur fonctionnement, comme le vinaigre blanc dans une bouilloire pour éviter qu'elle s'encrasse. Cela engendre des effluents, liquides ou gazeux, dont les rejets dans l'environnement sont strictement encadrés, et font l'objet d'études montrant leur caractère négligeable. Les procédés de traitement de ces effluents sont une des manières pour recycler au maximum et réduire les rejets. »
Jusque-là, les procédés utilisés pour le traitement des effluents étaient la distillation ou l'ajout d'agents ou de résines, lesquels ont l'inconvénient de consommer de l'énergie ou des ressources chimiques. « Notre idée est de tester un nouveau procédé, qui est la séparation par membranes, détaille Eric Favre, Professeur à l'Université de Lorraine en cotutelle avec le et chercheur au LRGP (UMR CNRS). Les membranes sont des matériaux nano-structurés, des sortes de tamis très fins, qui sont en train de révolutionner certaines industries, par exemple celles du dessalement de l'eau. C'était très peu utilisé en production d'énergie. »
Ce « détournement de technologie » est une réussite pour Mélusine. Sur les 4 projets pilotes qui ont été lancés, tous ont confirmé techniquement l'efficacité de l'innovation. « Nous gagnons 10 fois en efficacité énergétique par rapport aux anciens systèmes, explique Thibaut Neveux. Nous réalisons aussi des gains d'espace et des économies financières. » Le premier test en conditions réelles aura lieu en 2024 : une échéance attendue avec impatience dans le laboratoire.
La convention de partenariat a été renouvelée pour 5 ans en 2023, avec un programme de recherche ambitieux autour de la maîtrise des procédés dans l'industrie électrique, notamment, sur les enjeux autour du carbone et de l'eau pour la production d'électricité. Comment contribuer à la décarbonation des usages ? Une préoccupation persistante, même pour un producteur d'électricité décarbonée. Comment améliorer son empreinte eau lors de la production ? Des recherches tournées vers un avenir… pas si lointain.
Les autres domaines du partenariat avec le CNRS
Le principal partenaire académique de la R&D d'EDF est le CNRS. Les deux entités fonctionnent au travers d'un accord-cadre qui fixe les thématiques de la collaboration, et ses modalités comme, entre autres, les aspects de propriété intellectuelle. Ensemble, la R&D d'EDF et le CNRS travaillent sur l'ensemble des activités d'EDF (production d'énergies, transports et réseaux électriques de distribution, sciences humaines…) La collaboration peut prendre la forme de laboratoire commun (comme avec Mélusine) ou encore de Groupement d'intérêt scientifique (GIS).
« Nos sujets s'inscrivent dans le contexte de la transition énergétique et l'atteinte de la neutralité carbone », précise Ange Caruso, Délégué Partenariats au sein de la Direction Scientifique de la R&D d'EDF.
L'un des outils les plus utilisés par les partenaires est la thèse. Les thèses sont en effet particulièrement efficaces pour lever les verrous scientifiques et techniques auxquels EDF fait face dans le cadre de son activité d'énergéticien.
« Le CNRS est impliqué dans plus du tiers des 150 thèses en cours à la R&D d'EDF », relève Ange Caruso. « Elles concernent le nouveau nucléaire (avec des sujets sur les SMR, les nouveaux matériaux…), les énergies renouvelables (sur le vieillissement et le rendement des matériaux), l'hydrogène, l'éolien, la gestion de l'eau, l'IA, la cybersécurité… »
Côté sciences humaines, on s'intéresse par exemple au facteur humain dans la sûreté nucléaire. Des chercheurs étudient ainsi l'organisation dans les centrales nucléaires et la rapidité de réaction des personnes en cas de crise.
Les thèses qui sont lancées aujourd'hui visent aussi à préparer l'avenir à plus long terme. « L'un des sujets majeurs, c'est le quantique, estime Ange Caruso. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'ordinateur quantique à disposition ; pour autant, un jour cela sera démocratisé. Donc nous lançons des thèses, nous travaillons sur les verrous scientifiques. Par exemple, comment fera-t-on, demain, de la programmation sur du quantique ? Il faut s'y préparer. »
Idée reçue : La recherche ne s’intéresse qu’au temps long
C'est faux ! Par exemple, dans le partenariat Mélusine, il n'a fallu que 5 ans pour passer d'une idée aux tests grandeur nature. « C'est exceptionnel pour un académique comme moi ! », s'amuse Eric Favre. En réalité, des actions sont lancées à horizons différents, certaines à moyen terme, d'autres à plus long terme. Les thèses, par exemple, prennent en moyenne 3 ans. Certains chercheurs considèrent même qu'il faut deux thèses pour venir à bout d'un problème complexe…
Mais pendant ce temps, les chercheurs continuent à explorer des pistes. Ainsi, dans le laboratoire Mélusine, les chercheurs ont éprouvé leur idée en achetant des modules de membranes, disponibles dans le commerce mais destinées à d'autres secteurs et en étudiant leurs matériaux pour réaliser leurs premiers tests et adapter la technologie à de nouveaux usages. Ce pragmatisme, c'est aussi la recherche !
La relation CNRS – EDF en partenariats
Ce sont tout d’abord des laboratoires communs :
- Mélusine (laboratoire Réactions et génie des procédés - CNRS/Université de Lorraine) a pour objectif de maîtriser les effluents dans l’usine électrique du futur ;
- 4EV Lab (Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement – CNRS/ La Rochelle Université) ambitionne d'améliorer l’efficacité énergétique et environnementale des bâtiments ;
- EM2VM (Groupe de physique des matériaux – CNRS/INSA Rouen/Université Rouen Normandie) étudie et modélise les mécanismes de vieillissement des matériaux ;
- BHEE (Centre d’énergétique et de thermique de Lyon – CNRS/INSA Lyon/Université Claude Bernard) travaille sur les bâtiments à haute efficacité énergétique.
Mais aussi des unités mixtes de recherche (UMR) :
- L'IMSIA, l’Institut des sciences de la mécanique et applications industrielles (CNRS/EDF/CEA/ENSTA Paris), créé en janvier 2015 pour répondre aux enjeux industriels et sociétaux autour de la mécanique et de la durabilité des structures et systèmes complexes, dans les domaines de l'énergie, du transport et de la Défense, travaille sur les couplages multi-physiques et la durabilité des matériaux et structures ;
- L'IPVF, l’Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque d'Île-de-France (CNRS/École polytechnique/Chimie ParisTech/EDF/Air Liquide/Total SA/IPVF), créé en juin 2018, vise à développer des technologies photovoltaïques de rupture pour permettre à cette filière de contribuer plus encore et aux cotés des autres sources d’énergie décarbonées à la transition énergétique. C’est un modèle unique en son genre, réunissant des chercheurs issus de la recherche publique, mais aussi privée, EDF, Total, Air Liquide, Riber, Horiba, le CNRS et l’École Polytechnique, autour d'une feuille de route commune.
Et un groupement d’intérêt scientifique (GIS) :
- L'Institut Seism, inauguré en 2012, est un groupement d’intérêt scientifique créé par le CEA, EDF, Centrale Supélec, l’ENS Paris-Saclay et le CNRS.
