L’élévation du niveau de la mer, jusque-là stable depuis 6 000 ans, est un phénomène unique à l’échelle géologique qui va transformer les zones côtières. Si l'adaptation à ce changement représente un défi majeur, il reste néanmoins une opportunité pour mieux gérer et restaurer les écosystèmes côtiers. Ce défi concerne tous les acteurs de la société, des chercheurs aux gouvernements, en passant par le secteur privé et les individus. On a questionné Gonéri Le Cozannet, chercheur sénior et Rémi Thiéblemont, ingénieur chercheur Risques climatiques et côtiers, tous les deux au BRGM.
L'élévation du niveau de la mer, un sujet qui nous concerne tous
De 1900 à 2020, le niveau marin a augmenté de 20 cm, dont une accélération observée depuis 1993 avec une forte élévation de 11 cm en 30 ans. Si l'élévation du niveau de la mer est perçue comme un « état des lieux » global, en réalité celle-ci est plutôt régionalisée. En effet, une baisse du niveau marin a pu être constatée à certains endroits, tandis qu'il s'agit de l'inverse ailleurs. Une situation pour laquelle nous sommes tous concernés.
D'après les projections du BRGM*, le service géologique nationale, le niveau marin devrait connaître une augmentation de 20 cm d'ici 2050, jusqu'à une élévation de 40 cm en 2100 dans un cas favorable, voir plus de 80 cm dans un cas contraire.
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Aujourd'hui, EDF est concerné par l'élévation du niveau de la mer, mais tout le monde est concerné par le niveau de la mer. Parce que même si vous habitez très loin de la côte, il y a une bonne partie des marchandises que vous achetez qui sont passées par des ports. En fait ce ne sont pas juste les chercheurs qui doivent travailler sur l'adaptation. C'est aussi le secteur privé, ce sont aussi les individus qui doivent se poser des questions, ce sont les gouvernements, les régions, tout le monde est concerné.
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Pour vous permettre d'accéder à l'information, nous vous proposons de consulter la vidéo L’élévation du niveau de la mer - Interview de Gonéri Le Cozannet (BRGM) dans un nouvel onglet.
[Dans cette interview, Gonéri Le Cozannet, chercheur senior au BRGM, alerte sur l’élévation inédite du niveau de la mer et ses conséquences à long terme. Il souligne l’importance d’une mobilisation collective pour l’adaptation, saluant l’implication précoce d’EDF et appelant à renforcer les liens entre chercheurs, entreprises, territoires et citoyens.]
L’élévation du niveau de la mer
Gonéri Le Cozannet : Si vous regardez les choses, on est dans un évènement unique à l’échelle géologique. Le niveau de la mer est stable depuis 6000 ans. Il va monter pendant des milliers d’années. Et il va monter de plusieurs mètres, sans doute bien après 2100, mais de plusieurs mètres tout de même.
Ce phénomène va complètement modifier les zones côtières et va complètement changer la donne, mais c'est est aussi une opportunité pour mieux gérer les zones côtières et pour restaurer des écosystèmes côtiers plus intéressants.
L’adaptation concerne tout le monde. Ce ne sont pas juste des chercheurs qui doivent travailler sur l’adaptation. C’est aussi le secteur privé, les individus qui doivent se poser des questions, les gouvernements, les régions… Tout le monde est concerné.
Donc, le fait qu’EDF ait, dans une certaine mesure, pris de l’avance en travaillant tôt sur ces sujets d’adaptation, c’est extrêmement intéressant et ce qui est très important, c’est qu’il y ait des liens avec les autres composants de la société. Avec les chercheurs, les régions qui ont un rôle de pilotage très important sur l’adaptation (notamment sur l’élévation du niveau de la mer), avec les particuliers, les associations, etc.
Je pense que c’est très bien qu’EDF ait pris de l’avance. L’enjeu c’est que tout le monde soit connecté sur ces sujets-là. On n’est pas encore assez nombreux à travailler sur ces sujets d’adaptation.
On travaille plutôt dans un format où Paul-Antoine a la gentillesse de nous accompagner sur nos projets de recherche pour faire en sorte que ce qu’on produit soit utile pour des acteurs comme EDF qui s’interrogent sur l’élévation du niveau de la mer.
Est-ce que les projections qu’on donne sont dans des formats ? Est-ce que c’est une information qui est mobilisable par EDF ?
Au début, pas tant que ça, et petit à petit, en travaillant, on a réussi à fournir des données et des informations qui permettaient de répondre à des questions qui se posaient en interne. Ce genre de travail, je pense que c’est quelque chose qu’il faut développer.
Aujourd’hui, EDF est concerné par l’élévation du niveau de la mer, mais tout le monde l’est finalement. Parce que même si vous habitez très loin de la côte, une bonne partie des marchandises que vous achetez sont passées par des ports. Donc potentiellement, le nombre d’acteurs qui sont concernés par l’élévation du niveau de la mer, c’est une partie très significative de l’économie.
Comment le BRGM réalise ces projections du niveau de la mer en suivant la TRACC ?
En considérant une trajectoire globale de 3°C en 2100, la projection du niveau marin est la somme de toutes les composantes météorologiques : la fonte des glaces et des calottes, l'expansion thermique marin et les changements des eaux souterraines, dont notamment la construction de barrage qui joue un rôle.
Cette méthode a été appliquée sur le 20ème siècle afin de savoir s'il était possible de reproduire le niveau marin observé en tenant compte de toutes les composantes.
Comment réaliser des projections à partir de cette méthode ?
Les chercheurs utilisent des modèles climatiques 3D couplant océan et atmosphère, incluant des composantes chimiques et glaciaires. Les résultats fournissent des données sur l'expansion thermique et la circulation océanique. Alors, les fontes de glace localisées entraînent des modifications gravitationnelles et de la rotation de la Terre, affectant le niveau de la mer de manière régionale. Prenant compte de ces variations climatiques, les scénarios sont définis pour différentes échéances (2050, 2100 et 2150) et incluent des trajectoires de températures et des élévations du niveau de la mer.
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Le problème de l'élévation au niveau de la mer, c'est souvent vu comme quelque chose de global mais la réalité c'est que c'est très très régionalisé. [...] Ces phénomènes créent une baisse du niveau marin dans les deux kilomètres qui entourent la région source et une élévation du niveau de la mer au-delà de ces deux kilomètres.
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Pour vous permettre d'accéder à l'information, nous vous proposons de consulter la vidéo Interview de Rémi Thiéblemont (BRGM) dans un nouvel onglet.
[Dans cette interview, Rémi Thiéblemont, ingénieur chercheur Risques climatiques et côtiers au BRGM, revient sur les missions de cet établissement public et alerte sur l’accélération possible de la montée des eaux liée à la déstabilisation des calottes polaires. Un enjeu majeur dans l’analyse des risques côtiers à l’ère du changement climatique.]
Questions : Qu’est-ce que le BRGM ? Quelles sont vos activités ?
Rémi Thiéblemont : C’est un service géologique national dont la mission est de travailler la connaissance du sous-sol et la géologie, de travailler sur les ressources minérales, de travailler sur la ressource en eau, de travailler sur la transition énergétique. Et moi mon travail, c’est plutôt sur les risques et notamment dans le cadre de l’évolution de ces risques naturels et anthopiques dans le cadre du changement climatique.
Question : Quel est le constat le plus alarmant sur la hausse du niveau de la mer ?
Rémi Thiéblemont : C’est que dans les années 90, on pensait que les calottes polaires étaient assez stables. Ce dont on se rend compte, c’est qu’il pourrait y avoir des processus de déstabilisation qui seraient plus rapides qu’anticipés, et donc qui pourraient conduire à des élévations assez rapides, assez vite.
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Quand vous avez des fontes localisées de glace, ça ne se répartit pas de manière homogène sur l'ensemble de la planète mais ça entraîne des modifications du centre de gravité et de la rotation de la Terre.
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Le service climatique de la R&D d'EDF en soutien du BRGM
Le service climatique accompagne le BRGM sur les projets de recherche afin que les produits finis soient utiles pour des acteurs comme EDF qui s’interrogent sur l’élévation du niveau de la mer.
BRGM : établissement public français pour les applications des sciences de la Terre
Année de création : 1959
Objectifs : comprendre les phénomènes géologiques et développer des méthodologies nouvelles
Site web : www.brgm.fr