Portrait de chercheur : Enrique Kremers

Enrique Kremers, expert en simulation et modélisation des Systèmes Complexes

Ce chercheur germano-espagnol, qui a rejoint le réseau des experts R&D d’EDF en mai 2017, reproduit des systèmes complexes avec une agilité déconcertante. Un atout pour EDF et EIFER (European Institute for Energy Research), son laboratoire d’attache implanté à Karlsruhe en Allemagne.
 

Quel est votre domaine d'expertise ?

Je suis expert en simulation et modélisation des systèmes complexes appliquées aux systèmes énergétiques intelligents. Il s’agit concrètement de représenter de façon intégrée les différents aspects d’un système énergétique depuis la production jusqu’à la consommation, en passant par les réseaux et les infrastructures, puis de les interconnecter entre eux. Un système complexe peut être constitué de composants individuels simples, mais dès qu’ils interagissent par des réseaux, des comportements non intuitifs peuvent émerger rapidement –ce que l’on appelle, dans un contexte scientifique, la complexité. Au lieu de nous concentrer sur une seule brique, nous pouvons analyser l’ensemble de la chaîne et ses comportements, en tenant compte des interactions entre elles, en fonction de la modification de tel ou tel paramètre. L’idée est de mieux connaître le fonctionnement de notre système énergétique pour mieux l’adapter aux besoins en local et proposer ainsi une meilleure offre.
 

Pourquoi se passionner pour la simulation et modélisation des systèmes complexes énergétiques intelligents ?

Derrière ces mots un peu savants, c’est une discipline de recherche qui a des applications très concrètes et utiles car les systèmes énergétiques interviennent dans les processus de planification territoriale et dans les politiques publiques, à différentes échelles. Par exemple, lorsqu’une ville planifie n nouveau quartier, elle a besoin d’y intégrer la question de l’énergie et doit s’interroger sur le mix énergétique vers lequel elle souhaite tendre, en fonction des spécificités locales. Souhaite-t-on réduire en priorité les émissions de CO2 ? A-t-on la place de construire un réseau de chaleur ? Est-ce pertinent de pousser à l’installation de panneaux photovoltaïques pour les particuliers… Des questions essentielles qui auront des impacts très directs sur les habitants et le fonctionnement des infrastructures. Et pour répondre à toutes ces questions, il faut en passer par la simulation. C’est ce que s’emploie à faire EDF à travers sa nouvelle offre dédiée aux collectivités, en France tout comme à l’autre bout du monde. Nous avons par exemple développé une plateforme de simulation pour les villes de Singapour et Berlin, qui permet d’évaluer les impacts énergétiques de la planification urbaine. C’est un fantastique outil d’aide à la décision. J’aime personnellement participer à de tels projets car c’est utile évidemment mais également totalement interdisciplinaire. Il ne faut pas maîtriser que les questions énergétiques mais aussi y intégrer les problématiques telles que les transports, l’urbanisme, les normes… etc. C’est un vrai challenge pour lequel les méthodes de la science de la complexité offrent des outils bien adaptés, comme par exemple la modélisation multi-agents.
 

Et vous faites tout ça depuis l’Allemagne ?

L'institut EIFER (European Institute for Energy Research) est un laboratoire commun entre EDF et Karlsruhe Institute of Technolgy (KIT) en Allemagne qui regroupe une centaine de chercheurs, dont je fais partie. Il s’agit du premier département R&D à s’être implanté à l’étranger. Depuis, il y en a cinq autres.
Notre offre s’adresse au monde entier. Pour preuve, le projet de Singapour. Alors pourquoi ne pas le penser avec une vision et des collaborations à international. Cette multiculturalité appliquée au domaine de la recherche renforce la créativité et l’efficience. Elle nous permet de combiner différentes visions et façons d’appréhender un problème. Au final, cela génère souvent des solutions innovantes et efficaces. Personnellement, je parle 4 langues chaque jour. Je suis né et ai vécu en Espagne, puis j’ai déménagé en Allemagne pour finalement travailler pour une entreprise française. Cette richesse culturelle fait partie de mon identité. C’est aussi un challenge personnel. On peut d’ailleurs faire le parallèle avec notre institut : un vrai exemple d’intégration franco-allemande. Avec des projets de recherches financés par l’Allemagne et la France, deux pays avec des visions énergétiques très différentes mais partageant un même objectif : la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
 

« C’est une chance de pouvoir mener des recherches académiques et innovants tout en participant à leur mise en œuvre concrète. J’ai le sentiment de faire avancer le monde de l’énergie, j’en suis très fier. »