La R&D mobilisée pour relever les challenges de l’éolien offshore flottant
Le raccordement, la maintenance ou encore l'impact sur l'environnement, autant de sujets incontournables sur lesquels la R&D est pleinement engagée. Découvrez ci-dessous, trois focus sur les travaux que mènent les équipes de la R&D. Des équipes pluridisciplinaires avec des champs de compétences très diversifiés mais pourtant complémentaire pour réussir l'atteinte de la neutralité carbone.
L'environnement au cœur de la conception des projets
Si l'éolien flottant constitue une option très prometteuse pour la transition énergétique mondiale, il devra faire la preuve de sa capacité à limiter au maximum son impact sur la biodiversité. Un sujet plus que jamais crucial dont s'est pleinement emparée la R&D d'EDF.
Analyse du cycle de vie des éoliennes, connaissances des espèces marines et avifaunes (oiseaux), recyclage en fin de vie, conception de solutions pour limiter les impacts… À l'heure où la réglementation environnementale se durcit et où les enjeux environnementaux sont au cœur des préoccupations sociétales, le développement très attendu des parcs éoliens offshore flottants est conditionné à une approche particulièrement vigilante du respect de l'environnement.
Connaître les espèces pour mieux les protéger
Une autre problématique importante est la protection des espèces et particulièrement de l'avifaune (les oiseaux). Début 2021 un vaste programme d'études sur l'impact environnemental de l'éolien en (terrestre, flottant et posé) a été lancé à la R&D. « Aujourd'hui, les projets flottants étant essentiellement en phase de conception, nous manquons de recul, et si nous en avons, c'est sur des parcs de quelques éoliennes seulement. Le sujet doit se poser à l'échelle de parcs d'une centaine d'éoliennes », souligne Géraldine Nogaro. Objectif du programme : déterminer leur impact sur les espèces migratrices pour concevoir des solutions de protection efficaces. Depuis 2019, des systèmes de détection, d'effarouchement ou de bridage des éoliennes (ralentissement ou arrêt) sont à l'étude pour le terrestre. « Nous savons que l'impact dépend aussi des espèces : toutes ne sont pas affectées de la même façon par les éoliennes. Tout un pan du projet consiste ainsi à améliorer notre connaissance des espèces pour anticiper leurs comportements et in fine d'adapter le fonctionnement des éoliennes ».
L'enjeu du biofouling
La problématique est double, explique Géraldine Nogaro, ingénieur-chercheur et cheffe de projet AELE (Avifaune et Environnement pour l'Eolien) au département LNHE (Laboratoire National d'Hydraulique et Environnement) à la R&D d'EDF : « il s'agit à la fois d'étudier la manière dont les projets flottants vont impacter l'environnement, mais aussi de déterminer comment l'environnement peut affecter leur fonctionnement ». Le projet Provence Grand Large fournira aux équipes de la R&D un premier retour d'expérience. « Nous manquons encore de recul, mais grâce à la modélisation nous nous appuyons sur nos projections pour analyser notamment le comportement dans le temps des éoliennes ». D'ores et déjà la R&D anticipe les questions liées à la maintenance et au nettoyage des flotteurs.
Quid de l'effet « récif » ?
Aujourd'hui la recherche a aussi montré les conséquences écologiques de l'implantation de parcs éoliens offshore sur les écosystèmes marins. Leur périmètre étant généralement interdit à la pêche, il attire de nouvelles espèces qui y trouvent un lieu d'habitat propice à leur développement (des moules par exemple et ce faisant, leurs prédateurs). Comment cet effet dit « récif » modifie-t-il l'écosystème local ? Des études plus poussées devraient permettre de mieux comprendre ces phénomènes afin de concevoir des projets les plus respectueux possible de l'environnement.
- Effet récif = structure immergée qui attire un certain nombre d'espèces et leurs prédateurs
- Effet réserve = pêche interdite dans une zone donc augmentation des espèces
Ces deux effets n'ont pas que des conséquences bénéfiques avec par exemple le fait d'attirer des espèces invasives pour l'effet récif.
La maintenance : un défi hors norme
Entretenir et réparer en haute mer des infrastructures mouvantes est un défi technique et logistique hors normes. En ligne de mire : assurer la sécurité des opérateurs et réduire les couts de maintenance. Le point sur les enjeux de R&D en matière de maintenance des parcs éoliens flottants.
Comment remplacer des composants monumentaux à plus d'une centaine de kilomètres des côtes ? Comment assurer la sécurité des techniciens lors des opérations en mer ? Comment surveiller à distance les infrastructures ? Voici quelques-unes des questions qui alimentent le travail de la R&D.
Le sujet de la maintenance de parcs éolien flottants est complexe, d'autant qu'EDF ne dispose pas à ce jour d'éoliennes flottantes en service. Elle bénéficie en revanche d'une expertise avancée sur l'éolien en mer fixe avec notamment l'exploitation des parcs de Teesside et de Blyth en Angleterre. En théorie, la maintenance du flottant est semblable à celle du fixe. « Elle consiste en des opérations de maintenance légère par des actions de contrôle, d'inspection et d'entretien réguliers de l'ensemble des éléments de l'éolienne et d'une maintenance lourde lorsqu'il s'agit d'intervenir sur les gros composants comme le mât, les pales, la génératrice et les câbles de raccordement électriques » explique Marie Berthelot, responsable du programme éolien offshore à la R&D UK. Dans la pratique, ces opérations lourdes sont rendues plus délicates en haute mer, compte tenu du caractère mouvant des éoliennes flottantes, de la profondeur d'eau et de leur éloignement des côtes.
La sécurité : une priorité
Première difficulté : la gestion logistique et la sécurité des équipes. Les fenêtres météorologiques et la distance à parcourir pour atteindre les éoliennes complexifie la venue des bateaux sur site. « Ce qui peut se prévoir sur la journée pour la plupart des parcs offshore fixes, nécessitera plus d'anticipation et des temps plus longs pour l'éolien flottant, et donc des coûts plus importants », précise Marie Berthelot. Pour cela, nous développons un outil pour définir le scénario logistique qui maximise les disponibilités du parc et réduit les coûts de maintenance pendant toute la durée de vie de la ferme. La sécurité des opérateurs est aussi une question centrale sur laquelle la R&D se penche avec attention. « Dans quelques dizaines d'années les éoliennes flottantes pourront atteindre des puissances de 15 à 20 MW soit des nacelles de près de 700 tonnes, fixées à plus de cent mètres de hauteur. » Transférer en toute sureté des équipes d'un bateau sur un flotteur est un des sujets sur laquelle se penche la R&D. « Nous testons aujourd'hui un système de surveillance innovant embarqué sur le navire, et ceci dans une logique d'aide à la décision du pilote lors du transfert d'équipage. »
Cela implique donc du personnel formé… et des plateformes de maintenance adaptées.
Cap sur des navires de maintenance innovants
Le défi repose ainsi, en partie, sur l'adaptation des navires de maintenance lourde.
Aujourd'hui, les bateaux sont conçus pour les spécificités du fixe – les navires jack-up s'ancrent dans les fonds marins peu profonds pour permettre l'utilisation de grues pour soulever et abaisser des charges lourdes. Demain, les parcs flottants s'implanteront dans des profondeurs pouvant aller jusqu'à quelques centaines de mètres. « On ne pourra pas utiliser ce même type de bateaux… ce qu'il nous faut intégrer dès maintenant à nos études ». La R&D s'intéresse de près aux innovations dans ce secteur pour en adapter la stratégie de maintenance des futurs parcs flottants.
Deux scénarios de maintenance
Quelle stratégie adopter ? « Deux scénarios se dessinent », selon Marie Berthelot. Car le flottant bénéficie d'un avantage : la possibilité de déconnecter les éoliennes du système électrique pour les rapatrier à terre. Moins de vague et de vent et des conditions de travail plus sereines…si l'option peut séduire, elle ne fait pas l'unanimité. « Outre la complexité technique et le coût de la déconnexion et reconnexion au réseau, et le temps nécessaire au rapatriement de l'éolienne, il faut aussi anticiper le dimensionnement des infrastructures portuaires pour les accueillir ». Si les avis ne sont pas tranchés à ce jour, les ingénieurs penchent plutôt en faveur d'une maintenance en mer. Elle reste cependant conditionnée à l'adaptation des navires…. Mais aussi à l'évolution des dispositifs de monitoring et de surveillance. Obtenir de l'information à distance via des systèmes autonomes est l'un des enjeux clés de la R&D. « Des capteurs déployés sur l'ensemble des composants de l'éolienne pour en mesurer l'état de santé, l'analyse des données de fonctionnement des différents éléments sont tout autant d'information essentielle pour nous permettre de mettre en place des méthodes de diagnostic avancées. Nous nous intéressons également à l'utilisation de drones capables d'aller sur place pour inspecter les composants sous-marins comme les câbles et le flotteur, mais également aériens comme la tour et les pales, voire pour effectuer des opérations de maintenance légère, comme du nettoyage des surfaces colonisées par les organismes vivants. Une première expérimentation de nettoyage par drone sera d'ailleurs réalisée en bassin cette année pour en tester son efficacité ».
Raccordement : deux objectifs, fiabilité et performance
Rapatrier l'énergie produite par les grands parcs éoliens, notamment flottants, vers le réseau terrestre va nécessiter des infrastructures de raccordements inédites et un travail sur les technologies de réseaux pour le flottant et le courant continu. Dans ces domaines, de nombreux verrous doivent encore être levés. Mission en cours pour la R&D d'EDF.
Maillon incontournable de la performance des parcs éoliens en mer, le raccordement fait partie de la chaîne d'évacuation de l'énergie collectée. Or les futures technologies ont pour vocation d'aller chercher l'énergie dans une mer toujours plus lointaine et toujours plus profonde. Et les défis à relever se corsent à mesure qu'augmentent la taille et la puissance des parcs, précise Sébastien Cornet, chef de projet réseaux électriques du futur, à la R&D EDF : « Nous sommes en train de passer de parcs en mer de quelques centaines de MW à des parcs qui dans le futur dépasseront le GW ».
En quoi consiste le raccordement en mer aujourd’hui ?
Aujourd’hui les éoliennes d’un parc en mer « posé » (plusieurs dizaines à une centaine d’éoliennes) sont raccordées entre elles, par groupe d’une petite dizaine, via des câbles sous-marins généralement ensouillés (enterrés dans une tranchée) ou, quand les fonds marins ne le permettent pas, recouverts de dispositifs pour les fixer et les protéger. L’ensemble des câbles converge ensuite vers une sous-station électrique en mer qui permet d’élever le niveau de tension de l’électricité pour l’acheminer jusqu’au réseau terrestre, en courant alternatif très haute tension.
Quelle différence pour l’éolien flottant ?
Le raccordement électrique des éoliennes flottantes nécessite l’installation de câbles sous-marins, non plus statiques mais dynamiques. « Les mouvements d’oscillation des flotteurs combinés aux forces hydrodynamiques vont imposer aux câbles des contraintes mécaniques fortes qui n’existent pas sur l’éolien en mer posé », poursuit Sébastien Cornet. L’évaluation de ces câbles dynamiques et des éléments de connectiques associés sont l’un des volets importants de la R&D. Les équipes travaillent sur des technologies de câbles capables de supporter une fatigue mécanique sur toute la durée de vie d’un parc, soit 20 à 30 ans ; l’objectif de la R&D va être de s’assurer, en amont de leur installation, de leur durée de vie. « Aujourd’hui les câbles dynamiques commencent à être disponibles en 66 kilovolts, ce qui est suffisant pour les parcs actuels, mais à ce jour, on ne saurait pas raccorder une sous-station qui serait flottante faute de câbles dynamiques disponibles pour les très hautes tensions ».
L’objectif de la R&D va également porter sur le monitoring et le diagnostic à distance des câbles afin de pouvoir déployer une maintenance optimisée pour limiter le nombre et la durée des interventions dans un environnement offshore exigeant.
Quelles grandes infrastructures pour l’éolien de demain ?
L'objectif de baisse du coût de l'énergie éolienne offshore (LCOE pour Levelized Cost Of Energy) impose la recherche des plus vastes gisements d'éolien offshore et un changement d'échelle des parcs. Pour cela, de nouvelles infrastructures réseaux performantes, fiables et capables de transporter massivement de l'énergie sur de longues distances doivent être considérées.
À ce titre, un champ de recherche crucial concerne le courant continu (HVDC en anglais). « Plus on s'éloigne des côtes, plus il va falloir recourir à des technologies d'acheminement en courant continu et non plus alternatif, comme c'est majoritairement le cas aujourd'hui. Au-delà d'une certaine distance de l'ordre de 50/80 km, appelée « break-even distance », il devient technico-économiquement nécessaire de recourir à la technologie HVDC ». Objectif : concevoir des réseaux interconnectés en courant continu pour fiabiliser l'évacuation de l'énergie en mer, mais aussi pour mutualiser les investissements et donc réduire les coûts de cette énergie. « Nous cherchons à obtenir l'équivalent des réseaux maillés existants en alternatif, en courant continu. Pour répondre aux objectifs de l'Union Européenne, d'importants moyens sont mobilisés pour développer ces futurs réseaux haute tension courant continu interconnectés ». Des verrous technologiques et de standardisation doivent encore être levés pour les transformer en réalité » : pour que les réseaux soient maillés et interopérables, il faudra aussi que les grands acteurs s'accordent sur des standards et des règles de gouvernance communs ».
Les moyens d'essais de la R&D dédiés à l'éolien offshore
Le département Electrotechnique et Mécanique des structures de la R&D d'EDF a inauguré récemment son banc d'essai dédié à l'étude des génératrices éoliennes. Un moment de partage à distance entre la direction R&D, le client EDF Renouvelables et les acteurs du projet ROMEO* du département.
Ce banc d'essai permet de simuler la chaine de conversion électromécanique des systèmes de production renouvelables (génératrices éoliennes, convertisseurs de puissance). L'ensemble dispose de machines électriques à échelle réduite, de même architecture que celles rencontrées dans les éoliennes (terrestre et en mer), ainsi que des systèmes de conversion et de contrôle-commande associés. Ce banc doit permettre la mise en place d'outils de diagnostic et d'optimisation des systèmes de conversion et peut servir également d'outil de formation.
*ROMEO : *Ce projet européen vise à réduire les coûts de maintenance et d'exploitation des parcs éoliens offshores, en particulier des turbines, grâce aux technologies big data.