Des équipements innovants pour lutter contre la précarité énergétique
Le groupe EDF est engagé dans la lutte contre la précarité énergétique et dans la promotion de l’accès à l’énergie au-delà de ses obligations réglementaires. La politique solidarité du Groupe engage aujourd’hui plus de 300 salariés dans l’aide au paiement, l’accompagnement et la prévention. Ces actions pourraient-elles être complétées par des équipements innovants ? Avec l’aide du Design Lab, la R&D d’EDF a imaginé une douzaine d’objets. Manon D’Ercole qui a piloté ce projet, nous raconte.
En quoi consiste le projet et comment est-il né ?
La précarité énergétique est un phénomène difficile à mesurer à cause du non recours aux aides. Mais on peut estimer qu'elle concernerait environs 15 % de la population*. 15 % de personnes qui déclarent souffrir du froid, éprouvent des difficultés à se chauffer, à disposer d’assez d’énergie pour leurs besoins élémentaires, par manque de moyens ou parce qu’elles habitent des logements mal isolés, où le chauffage fonctionne mal. Le groupe EDF est engagé sur ce sujet depuis longtemps, mais nous avions envie d’aborder la question sous un angle plus palpable, à travers des objets innovants mais fondamentalement économiques. En 2018, à la demande de Sylvain Decarne, chef de projet Précarité énergétique à la R&D d’EDF, avec qui le Design Lab avait déjà travaillé, nous avons décidé d’organiser un séminaire pour y réfléchir collectivement.
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Il existe un lien très fort entre le projet « Précarité Energétique : comprendre – innover » et le Design Lab qui s‘est tissé au cours des années et des collaborations. Aujourd’hui, on fait appel à leurs ressources variées aussi bien pour répondre à une problématique opérationnelle concrète, que pour favoriser l’émergence de nouvelles idées lors de workshop rassemblant ressources internes, commanditaires ou partenaires. Cette réflexion sur les équipements innovants pour les populations fragiles en est un parfait exemple puisqu’il a permis de faire émerger une douzaine de concepts innovants, réalistes techniquement, et répondant aux différents besoins remontés du terrain.
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Comment s’est déroulé le projet ?
Nous avons commencé par mener ce que nous appelons une « veille inspirante » au Design Lab, en identifiant toutes sortes de projets touchant à la fois le chauffage, l’isolation, la conception de l’habitat et l’autoproduction énergétique. Nous avons également mené un travail de fond de connaissance des utilisateurs grâce à des interviews de personnes du terrain. Ce premier travail nous a permis de préparer le séminaire : Quelles questions poser ? Quelle méthodologie pour faire éclore des idées nouvelles ? Sur quelles briques techniques nous appuyer ? Pour quels utilisateurs cherchons-nous à trouver des solutions ? Nous avons ensuite invité des participants prêts à réfléchir avec nous, afin qu’ils nous apportent leurs points de vue : leurs connaissances techniques bien sûr, mais également leur expérience du terrain auprès de gens en situation de précarité énergétique. Au total, 23 participants se sont prêtés à l’exercice pendant quatre jours, fin octobre 2018. Ils ont proposé plus d’une centaine d’idées dans une ambiance studieuse mais décontractée : des plus surprenantes aux plus prometteuses.
Parmi toutes ces idées, nous en avons sélectionné une douzaine : celles qui nous semblaient les plus pertinentes, c’est-à-dire à la fois matures, innovantes, à fort impact, pour lesquelles un modèle économique était possible et où EDF avait la légitimité de se positionner. Bouillottes, textiles, tissages, paravents mais également afficheurs et dalles chauffantes. Nous sommes sortis du séminaire avec un beau programme de travail.
Mais toutes ces idées n’étaient décrites qu’en quelques mots, parfois avec un petit croquis et une amorce de modèle économique prenant en compte les coûts de production, les compétences internes à mobiliser, les cibles, la façon de les diffuser, etc.
Pendant deux mois, notre équipe du DesignLab a donc peaufiné conceptuellement ces propositions et créé un univers visuel afin de pouvoir les décrire et les expliquer simplement. Nous les avons présentées en 2019 à différents commanditaires potentiels au sein du Groupe. Deux projets ont été retenus pour l’année 2019 : un plancher chauffant modulable en dalles et un boîtier minimaliste permettant de suivre le plus simplement possible sa consommation en euros à placer sur n’importe quel radiateur électrique.
Où en êtes-vous aujourd’hui et quelle est la suite ?
Les travaux de prototypage sont en cours sur ces deux projets. La conception du boîter avance assez vite grâce à notre FabLab, d’autant plus que les briques techniques existaient à la R&D d’EDF. Nous avons développé deux maquettes, l’une fonctionnelle et l’autre sur l’aspect… reste à regrouper les deux ! Avec le chef de projet, nous continuons à présenter les idées recueillies lors du séminaire à différentes directions afin de trouver des porteurs de projet pour aller plus loin et leur donner vie.
*Étude menée par l’observatoire de la précarité énergétique : sur le panel interrogé, 15 % répondent oui à la question « Dans votre logement au cours de l’hiver dernier (2017-2018) votre ménage a-t-il souffert du froid pendant au moins 24h ? »

Manon D’Ercole : tâtonner ne lui fait pas peur
Portrait en huit points de Manon D’Ercole, jeune trentenaire designer, chercheur au Design Lab de la R&D d’EDF et responsable du projet « équipements innovants pour les personnes en situation de précarité énergétique »
Son parcours
Inspiration
Initiée très tôt aux beaux-arts grâce à sa mère artiste peintre, Manon D’Ercole se sent aussi à l’aise avec un pinceau que devant une équation de maths. Après son bac, elle quitte Grenoble et monte à Paris pour une année de mise à niveau en arts appliqués à l'école Olivier de Serres. « Ce fut une année incroyable, j’ai fait du dessin, du modelage, dans une ambiance enthousiasmante. J’ai vite compris que j’étais au bon endroit et j’étais tentée par beaucoup de choses comme la bijouterie, le design textile ou le design produits, même si tout cela était enseigné de manière assez traditionnelle. »
La révélation
Au cours de sa première année parisienne, Manon assiste aux journées portes ouvertes de l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle – Les Ateliers (ENSCI). « Je suis immédiatement tombée amoureuse de cette école très particulière au sein de laquelle j’ai passé 5 ans, où chacun construit son parcours personnalisé, en choisissant ses modules. S'y retrouvent des personnes aux parcours très différents... On apprend beaucoup des uns et des autres. C'est durant ces années à l'ENSCI, projets après projets, que j'ai développé mon intérêt pour les méthodologies de recherche au sens large. »
Arrivée au Design Lab
De retour à Paris après deux ans à Londres, Manon entre rapidement en relation avec le monde de la recherche et décroche quelques missions pour EDF et Essilor. Guillaume Foissac, qui dirige le Design Lab d’EDF, a été l’un de ses enseignants à l’ENSCI-Les Ateliers et le directeur de son projet de fin d’étude. « Quand je suis rentrée de Londres, il m’a proposé de passer au Design Lab, pour discuter d'un projet de thèse sur la frugalité, mais également pour les aider à court terme sur un projet de design de service. C’est comme cela que notre collaboration a commencé et je ne suis jamais partie. Aujourd’hui, je travaille à 80 % pour le Design Lab même si je garde quelques projets externes. »
Son travail
Home smart home
Depuis trois ans, Manon a travaillé sur de multiples projets, notamment sur la précarité énergétique. Cette année, elle travaille sur la « smart home ». « C’est sûrement le projet dont je suis la plus fière, il me prend la moitié de mon temps. C’est un travail de méthodologie prospective. En commençant par se demander comment on va habiter dans 20 ans, on se pose la question de ce qu’il faut faire aujourd’hui. Je m’intéresse à différentes recherches, j’imagine des scénarios du futur... L’idée est de contribuer à une vision de la smart home pour la R&D. En tant que designer, il me semble important de sortir du cadre de recherche habituel et de prendre les libertés, particulièrement pour ce type de thématique qui nécessite de se renouveler. Je suis allée chercher de l’information dans des études sociologiques sur l’évolution de la famille, de l’architecture, des territoires... mais également dans la philosophie. Au-delà de cette approche objective, je mobilise également des sources d’inspirations plus subjectives : le cinéma, la poésie, la littérature, les arts... c’est ce qui donne leur saveur aux projets. » Cette veille sans frontières lui a permis d’identifier quelques thématiques, qu’elle soumet maintenant à des experts externes afin de valider leur pertinence. Mais le confinement est venu rebattre les cartes. « La crise sanitaire va certainement accélérer certaines tendances et en ralentir d’autres. C’est important de les prendre en compte. En mai, j’ai lancé un questionnaire en ligne sur l’habitat idéal en période de confinement, ce qui me permet de récolter une nouvelle matière à penser. »
Le design c’est quoi ?
« À mes yeux, les designers ont une spécialité : l’utilisateur, c’est pour lui que nous travaillons. Nous sommes des agrégateurs de compétences. Un designer tout seul ne fait pas grand-chose, son rôle est de trouver le meilleur compromis entre des compétences très variées, techniques, économiques, philosophiques... Nous travaillons simultanément la pensée et la mise en pratique. Généralement, on nous pose une question très vaste, souvent peu formalisée. Alors on tâtonne, on formalise, on repose des questions, on re-tâtonne... Le design est un processus très itératif. »
Ses sources d’inspiration
Livre de chevet
« Je suis en train de lire Guerre et paix de Tolstoï. J’aime beaucoup les romans russes, qui décrivent en profondeur des époques et des personnages. C’est un sacré voyage que j’ai commencé pendant le confinement. »
Objet design contemporain
« Le Vélib’ résume bien à mes yeux la complexité du design expérientiel malgré son apparente simplicité. Avec le Vélib’ on n’achète pas un vélo mais une expérience utilisateur. Dernière cela, il y a tout le travail d’interface, toute l’organisation du service de cette expérience, c’est l’intelligence de tout un système au service d’un bien commun ».
Œuvre d’art préférée
« Comme je fais beaucoup de danse, c’est sans conteste Le Sacre du Printemps chorégraphié par Pina Bauch ! »