Le design à la R&D d’EDF :
Rencontre avec l’équipe du Design Lab de la R&D d’EDF Pulse Explorer, qui explore les nouveaux usages de l’énergie de demain et innove au service des métiers du groupe EDF.
Si l’association des mots « design » et « énergie » soulève chez vous de la surprise, voici l’occasion de s’éclairer sur le sujet. En effet, le Design au sein du groupe EDF est une discipline qui s’attache ici à la notion d’usage et est capable d’en déduire de nombreuses innovations pour le compte de l’ensemble des activités du Groupe et de ses filiales. C’est ainsi un impressionnant laboratoire d’une vingtaine de personnes, qui explore au quotidien et depuis de nombreuses années, des territoires nouveaux liés à l’usage de l’énergie. Interview avec Guillaume Foissac, responsable du Design Lab.
Mais alors, le design, c’est quoi ?
Il existe de nombreuses définitions du design. Pour Guillaume Foissac, fondateur du Design Lab de la R&D d’EDF et son actuel responsable, c’est avant tout une manière d’« innover en partant des usages ». Simple, non ? Derrière ce postulat, se déroule toute une méthodologie, à la fois rigoureuse et créative. « Les designers passent en permanence du conceptuel au faire » résume-t-il. Ils observent et projettent les émergences sociétales et techniques, émettent des hypothèses d’évolution positives et des questionnements sur les bonnes trajectoires à suivre, en prenant en compte les grands défis contemporains. Pour cela, ils vont puiser dans toutes sortes de disciplines : la science, la sociologie, l’économie, les arts, la philosophie… mais également dans des rencontres approfondies avec les usagers potentiels. En outre, ils donnent rapidement vie aux idées, ils les concrétisent sous forme de prototypes fonctionnels, de scénarios d’usage, de schémas, de films, de récits… Tout se passe de manière itérative : les hypothèses initiales donnent lieu à des premières réalisations qui sont critiquées collectivement, faisant émerger des postulats complémentaires, d’autres formes, etc. Ainsi, l’idée avance et se concrétise, même les fausses bonnes idées enrichissent la réflexion.
Le design est donc un formidable générateur et accélérateur d’innovations, en allant mobiliser des champs d’inspiration qui questionnent la technique, la mettant à l’épreuve des usages possibles tout en y intégrant une dimension sensible et émotionnelle. Ce pas de côté permet de concevoir des objets mais également des services et des interfaces qui répondent mieux aux attentes des usagers, qui les anticipent en se projetant dans un univers désirable, vertueux.
Comment EDF s’est intéressé au design
« La démarche est née en 2006 avec la volonté de la R&D d’EDF de voir comment le design pouvait apporter un autre regard sur l’innovation et la technologie jusqu’ici uniquement portés par des ingénieurs », se souvient Guillaume Foissac. Les premiers travaux portent sur les pompes à chaleur et les panneaux photovoltaïques. Il s’agit d’imaginer certains objets techniques facilitant l’installation, ayant moins d’impacts sur les bâtiments et rendant plus de bâtiments éligibles aux énergies renouvelables. Cette première expérience porte ses fruits. De nombreux brevets sont déposés issus de cette nouvelle approche. Au sein de l’équipe, deux, puis trois designers sont intégrés à la R&D d’EDF.
« Nous avons fait nos armes sur de petits projets, mais au fil des années, nous avons abordé des champs thématiques plus larges. Nous avons commencé à travailler sur les services et les interfaces. Désormais nous abordons des sujets stratégiques et de prospective, poursuit Guillaume Foissac. Le design s’est adapté au milieu de l’entreprise, s’est propagé un peu de bouche-à-oreille. Nous avons fait nos preuves. »
À tel point qu’en 2013, le Design Lab est officiellement créé pérennisant l’activité afin de répondre aux sollicitations de plus en plus nombreuses des chercheurs, avec qui les designers ont tissé des liens forts. Guillaume Foissac n’a pas eu de mal à faire venir des designers, car l’énergie attire : « Elle touche tous nos usages du quotidien, nos relations, nos techniques, nos industries. Le sujet questionne l’ensemble de notre société, il est au cœur des problématiques sociales d’aujourd’hui, des enjeux de la transition écologique, de sobriété. En tant que designers, l’énergie nous offre un panel de sujets d’études infini très stimulant intellectuellement. De plus, la proximité avec la recherche nous donne l’occasion de travailler sur des horizons temporels variés, allant de quelques mois à une vingtaine d’années. Nous changeons tout le temps de sujets. Chaque jour, je découvre de nouvelles thématiques, de nouvelles personnes. Ici, on se réinvente en permanence. »

Bienvenue au Design Lab de la R&D d’EDF
De multiples projets
Les projets sont très variés, tant dans leur nature que dans leur durée, pouvant aller de quelques semaines à plus d’un an. Le génie électrique, le véhicule autonome, le Legal Design… ne sont que des exemples des nombreux thèmes abordés. « Nous travaillons beaucoup sur la précarité énergétique, précise le responsable du Design Lab. Nous avons proposé des solutions pour aider les gens à mieux réguler leur chauffage et à ne pas surconsommer. Pour cela, nous avons par exemple conçu un petit thermomètre souple à cristaux liquides qui s’accroche sur une poignée de porte. Il est aujourd’hui produit en millions d’exemplaires pour quelques centimes pièce et distribué gratuitement dans les centres d’aide sociale. C’est très modeste et frugal. » Pourquoi une poignée de porte ? Par ce que c’est la bonne hauteur pour avoir une mesure qui reflète la véritable sensation de chaleur dans la pièce et ça, c’est une trouvaille de designer !
Guillaume Foissac est également très fier du projet Interstices, présenté à la Biennale du Design de Saint-Étienne et plus récemment lors de l’exposition « Designer(s) du Design » dans le cadre de l’évènement Lille Métropole, capitale mondiale du design. Le projet mise lui aussi sur la discrétion et l’humilité pour glisser des informations pertinentes sur l’énergie dans des objets du quotidien tels qu’une horloge, une station météo, un interrupteur, un chargeur de téléphone portable. « Mais nous travaillons aussi sur des projets à dimension plus prospective. Nous avons par exemple réalisé une série de projections sur le rôle de l’énergéticien en 2038 » nous apprend Guillaume Foissac.

Désormais, l’offre du Design Lab se structure en trois axes. Innover, pour des projets rapidement opérationnels avec une démarche très concrète. Explorer où les designers se projettent sur les usages de demain, envisageant des solutions techniques entre 2 et 5 ans, souvent à leur propre initiative. Et enfin Inspirer, sur des domaines émergents, plus éloignés des activités actuelles du groupe EDF mais qui pourraient vivre de profondes ruptures, avec des propositions audacieuses permettant d’ouvrir le futur et de suggérer de nouvelles positions.
Par la variété des sujets abordés, par l’immensité des questionnements que pose le secteur de l’énergie mais également par son intégration au sein de la R&D d’EDF, le Design Lab, l’une des figures incontournables de l’exploration et de l’innovation au sein du Groupe, est aujourd’hui une exception dans le monde industriel. Une exception qui travaille sur près de 70 projets cette année et a déjà permis le dépôt de treize brevets. « Face aux grands défis actuels, penser pour les usagers est devenu indispensable. Mais lorsqu’on le fait en plus dans une dynamique de Recherche, s’ouvre alors à nous un formidable champ d’innovations qui nous permet de mieux appréhender demain et de développer des opportunités respectueuses des environnements et des personnes » conclut Guillaume Foissac.
Une équipe pluridisciplinaire
Pour rencontrer l’équipe de Design Lab, il vous faudra venir sur le site des Renardières, près de Fontainebleau, où travaillent plus de sept cents chercheurs et ingénieurs. « Nous disposons de deux grands plateaux ouverts sur deux étages, qui favorisent les échanges. Nous avons également un FabLab très bien équipé en imprimantes 3D, en découpe laser, etc. détaille Guillaume Foissac. Il y a un atelier dédié à l’électronique, un studio vidéo et photo pour la réalisation de films et d’images de synthèse. La salle d’évaluation et de tests usagers dispose d’une vitre sans tain afin d’observer les réactions de participants à nos focus groupes. Nous disposons de salles de réunion, d’une cuisine, sans oublier la matériauthèque et la bibliothèque. Elle rassemble des livres de sciences, d’art, d’architecture, d’ingénierie, d’ergonomie, de design bien sûr… et se façonne au gré des projets sur lesquels nous travaillons. Nous avons dessiné notre mobilier et notre espace afin de répondre au mieux à nos besoins. »

Illustration : Pierre Loup DUMAS, Marianne CARDON, Manon D'ERCOLE, Étienne VALLET, Samuel LACROIX, Camille ANGIBAUD, Alexandre ELMIR, Janes ZABUKOVEC, Barbara N'DIR-GIGON, Axel MORALES, Guillaume FOISSAC, Diane BEAULIEU, Léa LONGIS, Zoé AEGERTER… Tous membres du Design Lab de la R&D d’EDF
Aujourd’hui, en comptant les stagiaires et doctorants, une vingtaine de personnes travaillent au Design Lab, dont quatre salariés statutaires (comme Étienne Vallet) et des prestataires externes (voir les portraits de Manon D’Ercole, Franck Magné, Louis Charron). « La majorité vient de l’École Nationale de Création Industrielle – Les Ateliers (ENSCI). J’y enseigne, ce qui est extrêmement stimulant intellectuellement. C’est surtout une école qui forme des profils extrêmement variés et singuliers. On y trouve des regards et des personnalités rares, ce qui enrichi notre équipe. Nous avons également des ingénieurs et développeurs qui ne sont pas designers. Ils apportent leurs compétences tout en appréhendant les méthodes de travail du Design ». Ici le dialogue et la connivence sont permanents.
