Après avoir livré le premier prototype de batterie sodium-ion, le réseau français RS2E planche sur le passage à l’échelle industrielle. Parmi les débouchés possibles, le stockage de masse des énergies renouvelables. Explications de Jean-Marie Tarascon, directeur du RS2E et professeur au Collège de France.

Le sodium-ion fait partie des technologies explorées dans les années 1990, mais finalement délaissées au profit de la technologie lithium-ion qui affichait, à ce moment-là, de meilleures performances. Lorsque l’on a mis en évidence, il y a 5 ou 6 ans, les ressources limitées du lithium face aux besoins grandissants d’utilisation, notamment pour les véhicules électriques, les chercheurs se sont tournés vers des solutions alternatives telles que le sodium, 1 000 fois plus abondant que le lithium. Notre réseau a relancé ses recherches avec le soutien du CEA et du CNRS. Grâce au savoir-faire acquis sur la chimie du lithium-ion, nous avons pu transposer la technologie aux batteries sodium-ion et construire un accumulateur qui a très vite affiché des performances allant bien au-delà de nos espérances. 

Le sodium-ion a rapidement pu se comparer au lithium, notamment avec une durée de vie de 2 000 cycles de charges/décharges. Malgré une densité énergétique de 90 Wh/kg, inférieure à celle du lithium-ion, la technologie est prometteuse. À ses débuts, la première batterie lithium n’affichait que 110 Wh/kg, alors qu’aujourd’hui, elle dépasse 200 Wh/kg. Obéissant à la même chimie, on s’attend à une montée en performance et à des progrès analogues avec les batteries sodium-ion. Mais la rentabilité s’évalue également en euros par kWh. Or, le sodium est non seulement plus abondant que le lithium, mais aussi meilleur marché avec un coût au moins inférieur de 10 à 15 % par rapport à celui du lithium-ion. La technologie pourrait aussi se prévaloir d’une étiquette « développement durable », ce qui n’est pas le cas du lithium aux ressources limitées et aux promesses de recyclage encore compliquées et coûteuses.

L’application la plus pertinente pourrait porter sur une utilisation stationnaire, comme le stockage de l’énergie renouvelable produite par les fermes éoliennes et photovoltaïques. Cette voie est d’autant plus légitime que ces applications réseau requièrent à la fois des puissances importantes et des coûts réduits. Pour l’instant, ces parcs disposent de batteries sodium-soufre qui ne fonctionnent qu’à haute température, environ 300° C, ce qui pénalise leur rendement énergétique. 

La batterie sodium-ion permettrait un rendement de 97 %, avec un coût moindre car la technologie est nettement plus simple que celle du sodium-soufre. Autre voie encore plus économique à plus long terme : la batterie sodium-ion en milieu aqueux pourrait offrir un nombre de cycles important à un coût particulièrement faible. Mais pour l’instant, seul le sodium-ion en milieu non aqueux dispose de la maturité technologique suffisante permettant de miser sur un développement de la batterie d’ici 5 à 10 ans. Tout en jouant un rôle clé pour contribuer au stockage de masse des énergies renouvelables, elle devra s’accompagner de solutions alternatives. Notons aussi que, suivant les choix qui seront faits sur le stockage centralisé ou décentralisé, les technologies pourront apporter des solutions différentes. 

Notre enjeu consiste à industrialiser rapidement cette batterie sodium-ion. La technologie suscitant beaucoup d’intérêt, nous avançons dans un environnement de recherche fortement concurrentiel. Cela suppose d’aller vite et de réussir tous les tests. Nous améliorons nos prototypes en cherchant à assurer une bonne reproductibilité de l’accumulateur. Grâce à nos collègues du CEA, nous avons déjà franchi des étapes majeures en l’espace de quelques mois, notamment sur le maintien des performances malgré les changements d’échelle. Mais nous sommes prudents pour éviter de faire bégayer l’histoire. Car malgré l’avancée des recherches européennes et françaises sur le lithium-ion, le marché s’est finalement développé au Japon, grâce à la force de frappe de Sony. 

Forts de cette expérience, nous avons créé ce réseau français RS2E, déterminés, au-delà des efforts produits en recherche fondamentale, à faciliter le déploiement industriel de la batterie sodium-ion et à en favoriser la commercialisation au sein du marché français et européen.

RS2E est le leader français de la recherche sur les batteries et supercondensateurs. Soutenu par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et par le CNRS, il assure une collaboration inédite entre chercheurs, établissements publics et industriels. Son objectif ? 
Créer un continuum entre découvertes scientifiques et produits commerciaux.

 

Le Réseau sur le Stockage Électrochimique de l’Énergie (RS2E), leader français de la recherche sur les batteries et supercondensateurs. 
Soutenu par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et par le CNRS, il assure une collaboration inédite entre chercheurs, établissements publics et industriels. Son objectif ? Créer un continuum entre découvertes scientifiques et produits commerciaux.