Grâce à l’open data, l’application MyBus permet aux collectivités de développer leurs transports en commun sans investissement initial. Interview de Frédéric Pacotte, co-fondateur de la solution MyBus adaptée à la mobilité urbaine.

Frédéric PacotteMyBus utilise l’open data. Quel est son concept ?

MyBus est une application mobile destinée à faciliter l’accès aux transports en commun à tous les usagers, partout en France. Le premier objectif est de pouvoir utiliser son smartphone comme titre de transport dans n’importe quel réseau de mobilité urbaine. L’idée n’est pas de remplacer les systèmes billettiques existants mais de les compléter.

Le second est de simplifier l’accès aux transports urbains via l’information des voyageurs en amont (horaires, calcul d’itinéraire, etc.) mais aussi en temps réel (retards, véhicules saturés...). Le troisième objectif est l’aspect collaboratif et communautaire : les usagers se tiennent informés entre eux des conditions de circulation, à l’instar du transport automobile.
 

Quel type de data exploitez-vous ?

Dans la mobilité de demain voire d’aujourd’hui, il y a trois niveaux de données, dont les deux premiers sont ou vont être accessibles en open data. D’abord la donnée théorique : cartographie du réseau de transport, horaires de passage théoriques, etc. De plus en plus de collectivités font l’effort d’ouvrir leurs données publiques (open data). MyBus utilise ces banques de données pour diffuser de l’information dans 265 réseaux de transport en France. Nous avons d’abord travaillé aux côtés des villes moyennes, sur les réseaux de taille intermédiaire, qui étaient les plus en demande de solutions. Ensuite, la donnée en temps réel sur le terrain : travaux, pannes, accidents… MyBus entend les exploiter pour apporter une vision plus concrète des conditions de circulation, sachant que la loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoit aussi que les collectivités libèrent ces données en temps réel.

Le 3ème niveau de données, également abordé dans la LOM (Article 28 sur les services numériques multimodaux), concerne les titres de transport. Aujourd’hui on peut les acheter dans des boutiques officielles, à bord des véhicules de transport public ou chez des dépositaires de type tabac-presse. L’idée est d’ouvrir cette distribution à d’autres opérateurs tel MyBus, qui se définit comme un dépositaire digital.

Pourquoi avoir choisi les transports urbains avec l’ouverture des données publiques ?

La solution MyBus a été développée par Monkey Factory, la start-up que j’ai cofondée avec Franck Raynaud. Notre conviction est que la mobilité urbaine est l’un des éléments les plus structurants de la ville intelligente (ou smart-city) et de la ville de demain. Eco-responsabilité, mobilité verte, les enjeux sont forts. Or nous avons constaté que la mobilité urbaine était sous digitalisée par rapport aux déplacements de longue distance tel que le TGV ou l’avion. Nous voulions apporter une solution. Les nouvelles dispositions réglementaires semblent nous donner raison.

En exploitant les données publiques, que constatez-vous ?

L’ambition qui sous-tend l’open data est de laisser à chacun la possibilité d’exploiter les données publiques et d’imaginer de nouveaux usages. Une collectivité qui ouvre ses données publiques ne va pas perdre la maîtrise du service opéré sur son territoire. Au contraire, l’open data donne la chance de voir ce service-là mieux utilisé et mieux perçu par les citoyens.

On parle beaucoup de Mobility-as-a-Service ou « MaaS », concept permettant l’interopérabilité des réseaux de transport. Aujourd’hui, il n’y a pas de solutions « MaaS » qui font consensus. L’open data est l’un des meilleurs moyens d’en voir émerger.

Bien sûr, exploiter le big data ne veut pas dire entrer dans la vie privée des individus. Tout se fait en conformité avec le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).

Les collectivités territoriales ont-elles compris l’intérêt de partager leurs données publiques et de collaborer avec MyBus pour la mobilité urbaine ?

C’est encore très contrasté. Certaines montrent la voie, comme Limoges ou Nancy. D’autres sont plus méfiantes. Leur premier frein est financier. C’est pourquoi notre modèle économique repose à 100% sur la performance. Pour la collectivité, il n’y a donc pas d’investissement initial, ni besoin de passer par des appels d’offres. Nous ne percevons qu’une commission sur la vente de titres, dont le prix reste le même que partout ailleurs pour l'usager.

Le second frein est technologique. Nous avons donc choisi des solutions techniques universelles, qui marchent avec 100% des smartphones. Parfois c’est l’exploitant qui nous sollicite pour avoir du M-ticket (Mobile Ticket : transport dématérialisé sur son smartphone). Mais le premier soutien dont nous avons besoin, c’est bien celui des collectivités.