À l’approche de la saison estivale, la gestion de la ressource en eau en région Provence-Alpes-Côte d’Azur devient un enjeu stratégique majeur, à la croisée des besoins énergétiques, agricoles, touristiques et domestiques. Pascale Sautel, directrice Concessions et gestion de l’eau, nous livre son analyse et nous explique les dessous de cette gestion fine de la ressource en eau de la Provence.

À l’approche de l’été, comment se profile la saison 2025 en matière de gestion des lacs et de disponibilité en eau ?
« Cette année, nous n’anticipons pas de difficulté à concilier l’ensemble des usages de l’eau et à atteindre les niveaux de compatibilité touristique des lacs d’ici l’été. 
Nous sommes dans une année où l’hydraulicité se situe dans la moyenne : les stocks de neige sur les bassins versants des retenues de Serre-Ponçon et de Castillon sont corrects. De plus, la pluviométrie abondante de ces dernières semaines a permis d’alimenter les nappes. 
En fonction des différents apports prévisionnels en eau avant l’été, nous allons adapter la gestion de nos grandes retenues pour garantir l’atteinte des niveaux de compatibilité touristique et limiter le risque de crue. 
Notre priorité est bien de veiller au partage de la ressource entre tous les usages de l’eau et à l’équilibre des besoins et contraintes : production électrique, besoins agricoles, eau potable, préservation de la biodiversité, tourisme, chantiers de maintenance des ouvrages hydroélectriques… 
Chez EDF Hydro Méditerranée, en tant que gestionnaire principal de l’eau en Provence, ces préoccupations sont au cœur de notre gestion, qui se doit d’être optimisée et anticipée. » 


Ces dernières années ont été très différentes en termes de conditions hydrologiques. 
Comment EDF Hydro Méditerranée adapte-t-elle la gestion de ses installations ?
« Les années se suivent et ne se ressemblent jamais ! C’est dans l’ADN des hydrauliciens de s’adapter aux ressources naturelles. La sécheresse connue en 2022 était historique, alors que 2024 nous a apporté des records en termes d’hydraulicité : 7,6 milliards de m3 d’eau ont ainsi transités par le barrage de Cadarache, confluence entre la Durance et le Verdon (ndlr, en moyenne 5 milliards de m3 transite par Cadarache). Cela a permis à la chaîne Durance-Verdon de jouer pleinement son rôle de première source de production d’énergie renouvelable de la Région.
Quelle que soit la situation, grâce à nos services de prévisions, nous envisageons par anticipation un ensemble de scénarii probables d’apports en eau et adaptons notre gestion en permanence, y compris en limitant notre production lorsque cela est nécessaire. 
Pour cela il nous faut intégrer toutes les données disponibles : prévisions météorologiques, stock de neige, chroniques historiques de gestion et de prélèvements de tous les usages. L’objectif est toujours de satisfaire, lorsque cela est possible, l’ensemble des usages et d’atteindre un niveau des lacs compatible avec le tourisme début juillet.
Un autre objectif prioritaire reste bien sûr, l’exploitation de nos ouvrages et toute sûreté, notamment pendant les épisodes de crue. En 2024, année décidément atypique, ce sont 15 épisodes auxquels les exploitants d’EDF ont dû faire face ! 
Toute cette gestion se fait bien entendu en concertation avec tous les acteurs du territoire. » 


Justement, quelle est la concertation d’EDF avec ces acteurs et les pouvoirs publics ? 
Qui décide des usages et actions mises en œuvre ?
« Sur les sujets de la gestion de l’eau, nous sommes en lien constant avec les services de l’Etat mais aussi avec tous nos partenaires sur le territoire, notamment le SMAVD*, le PNRV*, la SCP* et la SEM*, la CED*  ou le SMADESEP* pour le tourisme. 
Nous avons une vraie dynamique de dialogue, qui s’est encore renforcée après la crise sécheresse de 2022, avec des instances dédiées, au niveau régional et au niveau de chaque département. 
EDF fournit des trajectoires prévisionnelles de remplissage des grandes retenues grâce à son dispositif de 33 points de mesures d’enneigement et de précipitations sur tout le bassin versant et les modélisations associées. Ces informations précieuses permettent aux pouvoirs publics d’anticiper si besoin le déclenchement des seuils de vigilance ou d’alerte, et de prendre les décisions nécessaires.
En cas de situation exceptionnelle, comme en 2022 qui a été une sécheresse historique, alors c’est l’Etat et notamment le préfet qui décide de restrictions ou d’arrêtés en concertation avec toutes les parties prenantes de l’eau. En 2022, il y a eu près de 70 réunions de concertation avec les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs de l’eau. » 

 * Glossaire : 
SMAVD (Syndicat Mixte d'Aménagement Vallée de la Durance), 
PNRV (Parc Naturel Régional du Verdon), 
SCP(Société du Canal de Provence), 
SEM (Société des Eaux de Marseille)
CED (Commission Exécutive Durance, qui rassemble les irrigants de la Basse Durance)
SMADESEP : Syndicat Mixte d'Aménagement et de Développement de Serre-Ponçon