Élodie, 37 ans, est responsable du centre de conduite hydraulique de Lyon qui pilote à distance 37 centrales hydrauliques des Alpes et de l'est de la France. Depuis le début du confinement, toute l'équipe du centre - 18 salariés, a dû revoir ses façons de travailler.

Énergique. Élodie Leocmach à la voix dynamique et vivante. A 37 ans, elle est responsable du centre de conduite hydraulique de Lyon, qui pilote à distance 37 centrales, soit 7 800 MW de « houille blanche » délivrée sur le réseau en toute flexibilité. Elle se livre au « jeu » du portrait avec enthousiasme et simplicité.
Télécoms
Un père informaticien, était-ce un signe ? Élodie grandit pourtant à Marne-la-Vallée avec l'envie d'un métier qui frôle avec l'humain, le social. Pourquoi pas sociologue ou interprète ? En fait ce sera ingénieure spécialisée en télécommunications. « Les choses de la vie font que l'on s'oriente vers ce qui nous offre plus de facilités, j'étais bonne en sciences et en maths... » Direction Lyon et l'Institut national des sciences appliquées. « C'était le milieu des années 2000, je suis rentrée au moment du boom des télécoms dans l'ingénierie, mais j'étais aussi intéressée par l'innovation et par une formation très tournée vers l'humain avec une forte dominante en management. » En parallèle, Élodie mène un cursus de « danse études » pouvant aller jusqu'à 15 heures de danse contemporaine par semaine. Elle a commencé la danse à 5 ans et c'est aussi une musicienne. Mais ce qui la motive, c'est d'avoir une activité « avec un vrai sens du service public et pouvoir aller sur un poste de management ». Après quelques missions, notamment pour le groupe Casino et la RATP, en cabinet de conseils à Paris, elle répond en 2006 à une annonce d'EDF pour un poste de chef de projets télécoms à Lyon. « Je suis arrivée avec l'idée d'intégrer une famille, avec l'envie de m'engager et de faire avancer l'entreprise. Tout cela a bien fonctionné. » Sa mission consiste alors à construire des transmissions télécoms pour plusieurs aménagements hydrauliques, mais aussi pour des sites nucléaires. En 2012, elle occupe son premier poste de manager à la direction des services partagés. « Deux ans plus tard, j'ai pu animer une équipe qui devait gérer l'exploitation des postes de travail sur tout le quart sud-est de la France et garantir la qualité de service de l'opérateur informatique sur ce territoire », raconte-t-elle.
Rêve Hydro
Il y a trois ans, elle remonte à Paris pour travailler à « La Fabrik », l'usine digitale d'EDF qui accompagne l'ensemble des métiers dans leur transformation numérique. « J'ai été recrutée pour déployer la mobilité digitale via les smartphones à la maille d'EDF, nous en avons déployé 25 000 et aussi aidé les métiers à développer des applications mobiles ». Élodie commence ainsi à travailler avec EDF Hydro, pour qui elle crée un programme d'accompagnement à la transformation numérique, « Padhy ». Son penchant pour l'hydro se confirme - « Quand j'ai commencé à travailler dans l'entreprise pour installer les transmissions, j'ai trouvé une culture de l'hydro qui me correspondait bien : des gens passionnés par leur métier, la possibilité de pouvoir faire bouger les lignes, et aussi une belle énergie avec des installations efficaces et résistantes. » Alors, quand on lui parle d'un poste au Centre de conduite hydraulique de Lyon l'été dernier, elle franchit le pas. « Je dois beaucoup à mon prédécesseur, Benoît, qui a su me former avant de me donner les clés du centre. Conduire à distance plusieurs aménagements et des vallées toutes différentes, cela ne s'improvise pas. » Aujourd'hui, 17 salariés et trois métiers sont à l'œuvre. Des chefs de quart, des « chefs de quart alternant », qui passent la moitié de leur temps pour analyser les évènements de conduite et former les futurs chefs de quart, et aussi des ingénieurs de conduite. Depuis le début de la crise, dans les usines hydroélectriques, seuls les salariés d'astreinte sont aujourd'hui physiquement sur place.
« Si nous avions une défaillance, les 37 usines que nous pilotons devront reprendre la conduite sur le terrain, tous les techniciens d'exploitation sur site devront remonter le quart et conduire à notre place. C'est aussi un engagement pour tous les autres. »
« Je serai là en moins d'une heure »
« Solidairement entre CCH, nous nous sommes préparés dès fin février. Il se trouve qu'il y avait déjà eu un gros travail de fait à l'époque du H1N1 avec différents scenarios pour faire évoluer notre organisation. Il a fallu mettre cela au goût du jour, mais on est parti d'une base saine, » explique Élodie pour qui les prémices du confinement ont été synonymes d'un gros travail de réorganisation : « Depuis le 18 mars, toute l'équipe a changé son rythme de travail. Les 3 ingénieurs conduite sont en télétravail et les 14 chefs de quart sont passés d'un roulement en 3x8 à un roulement en 2x12. » Aujourd'hui, ce roulement exceptionnel est composé de deux quarts de jours et deux quarts de nuit, puis d'une période de repos et enfin d'une période de réserve au cours de laquelle les chefs de quart restent mobilisables pour remplacer un collègue... avant de recommencer un nouveau cycle. « Tout ce travail de réorganisation a été d'autant plus difficile que j'étais nouvelle, mais cela m'a fait vite monter en compétences ! », raconte Élodie, qui passe aujourd'hui les trois quarts de son temps au téléphone avec les chefs de quart, sur place ou en réserve, pour tenir tout le monde informé des consignes en temps réel :
Cette valeur ajoutée, les salariés du centre de conduite hydraulique de Lyon en sont convaincus. « Pour eux, c'est évident d'être là, ils sont très engagés au service des autres. Tous m'ont dit, si quelqu'un est malade, je serai là en une heure. Je travaille avec une super équipe ! » Aujourd'hui Élodie apprend des autres. À la maison aussi, la vie continue. Maman de deux petits jumeaux de 8 ans, elle assure avec son mari, l'école à la maison. Sa deuxième super équipe...