Sophie, est cheffe de projets Inclusion à la Fondation Groupe EDF. Elle est aussi, depuis dix ans, maraudeuse pour la Croix Rouge et coordonne l'unique maraude podologique de France pour soigner les pieds de personnes vivant dans la rue.Tous les dimanches matin, un camion de la Croix Rouge sillonne les rues de Paris. À son bord, accompagnée d'un podologue, Sophie, assure une maraude, la seule de France à ce jour qui soigne bénévolement les pieds des sans-abris.
 

Aider dans l'adversité

« Je me rappelle qu'à l'école primaire, dès que j'avais fini mes exercices, j'allais voir le copain ou la copine d'à côté pour l'aider », se souvient Sophie, qui doit commencer à s'assumer à 18 ans. Pendant deux ans, elle travaille au McDo pour financer un BTS d'assistante de gestion dans les petites entreprises : « Je me suis retrouvée en alternance dans une agence de communication spécialisée dans la voyance », s'amuse celle qui se voit alors confier la rédaction d'annonces de voyants et autres marabouts pour la presse magazine. Elle se souvient de cette époque avec une bonne dose de reconnaissance : « On m'a donné ma chance, alors j'ai pu avancer », dit-elle simplement. Diplômé en 1999, la tempête agit sur elle comme un déclic. Depuis chez elle, comme beaucoup de Français, elle regarde en boucle les images d'une France dévastée où la mobilisation des salariés d'EDF fait la différence : « Je me suis dit, c'est dans cette entreprise que je veux travailler, ce sont des gens bien. » Qu'à cela ne tienne. Elle postule à une petite annonce diffusée dans Le Parisien. « Ce n'était pas mon secteur, mon BTS n'était pas très reconnu, mais j'ai insisté. Et j'ai finalement été recrutée pour un poste de conseillère clientèle à Pantin. » Là, elle doit aider les clients professionnels à dépenser moins, notamment en optimisant leurs tarifs : « Faire en sorte de réduire leur facture, c'était ma contribution au service public.

À l'époque, nous étions une vingtaine, il y avait beaucoup d'entraide et un fort esprit d'équipe. J'ai été accueillie à bras ouverts. »
 

De la communication aux RH

Au bout de cinq ans, Sophie est recrutée par RTE, à Nanterre, comme assistante de communication. Elle s'occupe à la fois du journal interne et de la communication externe du gestionnaire de réseau pour la zone Paris-Normandie. Encore une fois, elle trouve une nouvelle famille où « l'ambiance jouait pour beaucoup. » Elle décide en parallèle de reprendre ses études et s'inscrit en master de communication : « J'ai rédigé un mémoire sur les fondations d'entreprises, c'est un thème qui m'intéressait déjà, explique-t-elle. Je m'interrogeais : pourquoi les entreprises créaient-elles ces fondations ? » Une fois son diplôme obtenu, elle se tourne vers les ressources humaines, « pour la multiplicité des domaines dans lesquels on peut y travailler ». Direction La Défense. Dans un premier temps, elle travaille sur l'alternance et les relations avec les écoles et devient vite chargée d'affaires diversité : « Une chance incroyable, je trouve, ces sujets me parlaient beaucoup. Je m'occupais de tout ce qui était handicap et égalité professionnelle à RTE. »

Nous sommes en 2011 et EDF fait figure de précurseur en matière de politique sociale autour du handicap. « J'ai trouvé à la fois des collègues, des partenaires sociaux et une direction qui étaient très à l'écoute et avaient vraiment envie d'avancer, c'était extrêmement stimulant… » Dans le même temps, à côté de son travail, Sophie reste à l'écoute des autres. Elle est depuis longtemps bénévole pour différentes associations, notamment le Secours populaire. Or un jour, juste en bas de chez elle, un homme sans domicile fixe attire son attention. « Je ne savais pas comment l'approcher, j'avais peur d'être maladroite. Et puis, j'ai observé des maraudeurs de la Croix Rouge qui lui parlaient, je savais ce qu'il me restait à faire… »
 

Maraudeuse pour la Croix rouge

Sophie s'inscrit sur internet. Elle est vite accueillie et formée par la Croix Rouge. « Partir à la rencontre de personnes qui sont à la rue et pouvoir échanger avec elles, j'ai tout de suite compris que c'était mon truc. Les bénévoles comme les personnes que je rencontrais étaient d'une gentillesse incroyable. Et, contrairement à l'idée que l'on peut se faire, une maraude, ce n'est pas triste du tout, on rit, on a de vrais échanges… » Dix ans après, Sophie est encore en maraude. Chaque jeudi, elle déambule dans les rues du 11e arrondissement de Paris, entre 20 h et minuit, pour prendre soin des autres. « Et inversement, c'est un vrai échange, ils prennent aussi soin de nous et sont capables de remarquer nos coups de mou ou une nouvelle coupe de cheveux… Grâce à l'uniforme, ils se livrent à nous assez facilement... »

Côté professionnel, en 2015, Sophie réintègre EDF à la mission handicap, où elle participe au recrutement de personnes en situation de handicap. Elle devient aussi marraine d'une association, l'association « Rêv'Elles », qui propose d'accompagner des jeunes femmes de milieux modestes dans leurs choix professionnels. « J'étais fière d'avoir une Fondation qui permette de m'impliquer comme cela. La Fondation Groupe EDF, me faisait rêver… je n'imaginais pas pouvoir y travailler un jour. » Pourtant, en 2017, un poste se libère. Sophie candidate et est retenue. « Je travaille aujourd'hui dans la lutte contre la précarité. Mon travail, c'est d'aller vers des associations ou de les recevoir pour évaluer si elles sont admissibles au mécénat de la Fondation ou non. » Juste retour des choses, elle s'occupe en ce moment du Prix des e.n.g.a.g.é.e.s, qui soutient les salariés engagés bénévolement dans des associations.

« C'est le job de mes rêves, j'ai l'impression que toutes les étoiles sont enfin alignées entre ce que je suis et ce que je fais, entre mon temps libre et mon travail. »
 

« Au-delà du soin, prendre soin d'eux »

Depuis cinq ans, Sophie participe aussi à une maraude plus spécifique le dimanche matin. « L'idée de cette maraude podologique est née en 2005. Nous, les maraudeurs, sommes là pour informer, indiquer aux personnes à la rue où dormir, où se laver ou encore se soigner. Les SDF peuvent faire ainsi des kilomètres chaque jour pour se nourrir et trouver un toit, soit au contraire, ne plus bouger du tout. Bien souvent, ils ne peuvent plus se déplacer car ils ont mal aux pieds. Nous ne pouvions continuer à dispenser ces conseils sans les aider à ce niveau-là. » La Croix Rouge a donc mis en place un cabinet ambulant avec un véhicule qui ressemble à une ambulance pour soulager les pieds qui n'ont pas été entretenus, souvent depuis des années. « Les rendez-vous sont pris durant les maraudes de la semaine pour le dimanche », indique Sophie. Une équipe de trois bénévoles – un conducteur, un podologue et une maraudeuse, se déplace ensuite vers la personne pour lui prodiguer des soins.

« Cela va au-delà d'une maraude médicalisée. Au-delà du soin, notre mission est de prendre soin d'eux et de créer un petit cocon. Pendant une heure, ils vont être au chaud et boire un café. Chaque soin se termine toujours par un massage de pied. On veut avant tout qu'ils se rendent compte qu'ils le méritent. »
 

Jamais repartir sans un sourire

Depuis le premier confinement, les maraudeurs se rendent bien compte qu'ils sont devenus indispensables : « Comme les autres associations, nous avons vu, pour la première fois, des personnes qui avaient faim. Nous étions attendus pour les denrées alimentaires, ce que je n'avais pas vu en 10 ans. » Le côté positif de cette crise – Sophie arrive toujours à en voir un, c'est l'implication de plus en plus grande des riverains. « Je vois de plus en plus d'habitants qui s'associent pour distribuer des repas ou rendre un service. La prise de conscience que l'on peut agir localement commence à prendre forme. » Au travail, les collègues aussi affichent présents. Quelques-uns ont ainsi rejoint Sophie le temps d'une soirée ou d'un Noël en maraude. « Cela m'a beaucoup touchée », glisse-telle. Le jeudi, Sophie est là aussi désormais pour dispenser les gestes de santé publique, informer sur le couvre-feu et l'évolution de la maladie. « Cela a été dur d'expliquer les masques, les gestes barrières, mais aujourd'hui cela passe un peu mieux. » Pourtant, sur le terrain, la distance n'est pas toujours celle qu'on croit. L'engagement bénévole ne s'arrête pas juste après la maraude. « On y met forcément beaucoup de soi. La petite attention, l'écoute, c'est ça qui fait la différence. Apporter des crayons à celui qui dessine, des livres à celle qui lit, rappeler un souvenir par une chanson… Et jamais repartir sans avoir eu au moins un sourire ! » Tel est le credo de Sophie. Hier comme aujourd'hui.

Son parcours en quelques dates :

2000 : Recrutée comme conseillère clientèle à Pantin

2005 : Assistante de communication à RTE

2011 : Chargée d'affaires diversité à RTE, première maraude pour la Croix Rouge

2015 : Intègre la mission Handicap d'EDF

2017 : Devient cheffe de projets Inclusion à la Fondation Groupe EDF

Texte et Photos : GUICHARD Sophie