La Société d’économie mixte, levier local de la transition énergétique

La création de SEM ayant vocation à développer des projets d’énergies renouvelables est favorisée par la loi de transition énergétique, et des collectivités s’engagent dans cette démarche porteuse de coopération entre les territoires. C’est le cas dans l‘Aveyron, où la SEM Causses Energia opère depuis 2016. Échanges avec Florent Tarrisse, directeur du Parc naturel régional des Grands Causses, et Pascal Boniface, directeur du développement territorial Sud-Ouest d’EDF.

Pourquoi avoir créé la SEM Causses Energia ?

Florent Tarrisse_ Le Parc naturel régional (PNR) des Grands Causses s’est doté depuis une dizaine d’années d’un plan ClimatÉnergie qui vise l’équilibre énergétique pour 2030. Pour y parvenir, en parallèle d’économies d’énergie, il faut accroître très fortement la production au travers des énergies renouvelables (EnR), en exploitant tous les gisements locaux : vent, soleil et biomasse. Or, la forêt, qui couvre 30 % de notre territoire, n’est pas suffisamment utilisée : moins d’un tiers de la pousse annuelle du bois est exploitée, essentiellement en bois d’œuvre dont la coupe génère 60 % de déchets à valoriser énergétiquement. Un état des lieux de la filière énergie bois, dressé en partenariat avec EDF, a débouché sur la création en 2011 de l’association Aveyron Énergie Bois, qui regroupe tous les acteurs potentiels du développement de la filière. Beaucoup de projets de réseaux de chaleur – sur des petites communes, des centres hospitaliers, des cités scolaires, des maisons de retraite… – se sont révélés techniquement réalisables et économiquement viables.

Pourtant, aucun ne voyait le jour, le plus souvent par manque d’appui en ingénierie et de capacité d’investissement des maîtres d’ouvrage. C’est ce qui a motivé la création de la SEM Causses Énergie en 2016.

Quel est le rôle du groupe EDF dans cette démarche ?

Pascal Boniface_ Au-delà des grandes zones urbaines, les projets « smart » de la transition énergétique se jouent aussi dans les territoires ruraux. EDF est un acteur majeur de la transition énergétique et, au travers de ces projets, le Groupe s’engage en faveur du développement de la filière EnR de ces territoires. En Aveyron, où les barrages fournissent 10 % de la puissance nationale d’hydroélectricité, EDF est implantée depuis longtemps et renforce régulièrement ses actions en faveur du Plan Climat-Énergie du PNR des Grands Causses. Par ailleurs, Dalkia, une filiale d’EDF spécialisée dans la réalisation et l’exploitation de réseau de chaleur, est actionnaire de la SEM Causses Energia et participe à ses missions.

Comment fonctionne Causses Energia ?

F. T._ Ses actionnaires publics et privés, qu’il s’agisse de collectivités locales ou d’acteurs de l’énergie et de l’habitat, sont tous liés au territoire. La vocation de la SEM est de contribuer à l’autonomie énergétique de l’Aveyron et à la décarbonisation du département, en s’appuyant sur les ressources naturelles et humaines locales tout en structurant et en développant la filière énergie bois. Ce faisant, elle soutient aussi le développement économique. Concrètement, la SEM Causses Energia propose à ses clients de réaliser des études, de construire et d’exploiter des chaufferies et des réseaux de chaleur utilisant la biomasse issue du PNR des Grands Causses.

Quels sont les atouts de la structure pour les collectivités ?

F. T._ Causses Energia intervient de bout en bout comme chef d’orchestre : de l’investissement à l’exploitation, c’est elle qui porte et maîtrise les risques, quelle que soit l’envergure du projet. La SEM a organisé un modèle d’approvisionnement qui valorise la filière bois locale, en y intégrant même le recyclage de palettes de chantier. Pour l’équilibre économique des projets, nous avons besoin de subventions qui couvrent les charges d’investissement. À cet égard, la SEM dispose d’un soutien de l‘ADEME, de la Région, du Fonds européen de développement économique et régional et de la Caisse des Dépôts en vue du montage des plans de financement.

P. B._ Parmi les actionnaires privés de la SEM, Dalkia apporte son savoir-faire en matière d’étude et de développement de tels projets.

Quels sont les projets engagés et avec quelle contribution d’EDF ?

F. T._ La SEM est un outil de mutualisation qui englobe petits et grands projets. Pour des investissements allant jusqu’à 1,3 million d’euros, des réalisations se mettent en place avec l’opérateur local MET Énergie : une chaudière dans un EHPAD à Saint-Romede-Tarn ; un réseau de chaleur pour un EHPAD et des bâtiments communaux à Saint-Laurent-d’Olt, un autre, à Nant, pour deux EHPAD, une maison médicale et la mairie ; ou encore un réseau de chaleur de 1 400 MWh pour plusieurs équipements publics et communaux à Belmont-sur-Rance. La SEM se positionne même sur des projets plus larges. Elle a ainsi conclu un contrat de concession de service public pour le réseau de chaleur urbain de Saint-Affrique, notre projet « fer de lance ».

P. B._ Il s’agira là de produire 12,5 GWh de chaleur pour couvrir les besoins de cette commune de 8 000 habitants via 5,5 km de réseau et 34 points de livraison. 5 000 tonnes de bois approvisionnées par tous les acteurs de la filière actionnaires de la SEM généreront 3 MW de puissance bois dans le mix combustible. Ce projet représente un investissement de 7,3 millions d’euros.

D’autres projets d’ampleur s’annoncent-ils ?

F. T._ Un collège et un gymnase en projet sur le secteur pourraient aussi faire l’objet d’une réalisation de chauffage bois. Par ailleurs, la SEM Causses Energia souhaite contribuer à travailler avec Dalkia sur des opportunités dans d’autres communes